Les Chroniques d'Olivier Nottale

La conquête spatiale : mythes et réalités, guerre ou paix ?

today16/05/2025 6

Arrière-plan
share close

Vous avez remarqué, désormais pour faire la guerre sur terre, il faut avoir la maitrise de l’espace et la bataille fait rage au-dessus de nos tête depuis les innombrables satellites passent en orbite autour de notre petite planète.

Un peu d’histoire pour commencer : merci aux chercheurs Irénée Régnauld et Arnaud Saint-Martin qui nous livrent une charge contre le récit capitaliste, colonial et techniciste qui continue de s’imposer sur l’exploration des astres dans un ouvrage intitulé :

Une histoire de la conquête spatiale

Des fusées nazies aux « astrocapitalistes » du New Space.

Edition La Fabrique, 316 pages.

Cette histoire se lit, nous dit le journaliste François Rulier, telle une enquête qui commencerait dans la base nazie de Peenemünde…

Les ingénieurs du IIIe Reich y exploitent des travailleurs esclavagisés pour construire des missiles : les armes qui devaient être celles de la victoire du Führer, mais qui deviennent le point de départ de la conquête spatiale lorsque ces ingénieurs sont récupérés après la guerre par les États-Unis, la Russie ou encore la France pour développer un arsenal balistique à l’origine des fusées.

Ce n’est pas le scénario d’un James Bond : ce rappel historique constitue le premier chapitre de l’œuvre de déconstruction de la conquête spatiale proposée par Arnaud Saint-Martin, sociologue chargé de recherche au CNRS également député insoumis de Seine et Marne, et Irénée Régnauld, chercheur associé à l’université de technologie de Compiègne. Forts de l’abondante bibliographie scientifique et critique du secteur spatial, les deux auteurs s’attaquent de front aux récits en faveur de la conquête spatiale, depuis la défense d’un « destin cosmique » de l’humanité jusqu’aux frasques contemporaines des astrocapitalistes…

La présentation des origines nazies des fusées à travers le programme balistique du IIIe Reich permet de développer les biographies de ces ingénieurs qui s’épanouissent ensuite dans le complexe militaro-industriel états-unien, à l’instar de Wernher von Braun, qui ne fut jamais réellement inquiété. L’acclimatation est favorisée par les ressemblances et les liens entre les capitalismes nord-américain et allemand dans l’entre-deux-guerres, ce qui n’est pas sans rappeler les travaux de Johann Chapoutot sur les nazis dans Libres d’obéir, Gallimard, 2020.

Si l’imaginaire de la conquête spatiale n’est pas nazi, il reste cependant marqué par « un tropisme occidental, masculin et techniciste » toujours en vigueur, construit dès les années 1950 et 1960 tant par des partisans de la conquête que par les agences et les États. Revues, films, parcs d’attractions s’emploient à diffuser un imaginaire que les agences nourrissent en médiatisant les figures des astronautes, images d’une Amérique de classe moyenne, blanche, patriarcale et religieuse. Si l’incarnation a changé, l’astronaute reste encore aujourd’hui cet étendard d’une certaine conquête spatiale.

Pilier de cet imaginaire, le récit du « destin cosmique » de l’humanité est d’autant plus difficile à attaquer qu’il s’apparente à un discours religieux, selon l’historienne Mary-Jane Rubenstein (2). Les congrès du secteur deviennent alors des grandes messes où peuvent prêcher des astrocapitalistes devenus les acteurs principaux de l’astroculture dominante, notamment Elon Musk ou Jeff Bezos.

Pourtant, les récits triomphants du New Space, cette prétendue révolution du spatial qui verrait l’affirmation du secteur privé contre les agences spatiales historiques, publiques et bureaucratiques, tiennent tout autant du fantasme : les auteurs défendent plutôt l’existence d’un « système d’interdépendances astrocapitalistes d’État ». Autrement dit, le New Space reste absolument dépendant de la commande publique, et il n’y a pas plus accro à l’argent de l’État qu’un Elon Musk…

 

(à suivre…) Lundi 19 mai 2025 – 10h20 / 17h05

 

O.Nottale


Les Chroniques d'Olivier NottaleprochainementSociété

Rate it