
« Partout, dans un monde qui se brunit, les pouvoirs en place n’hésitent plus à utiliser des termes pour leur faire dire l’inverse de leur sens. »
Pauline Mussche et Pierre Jequier-Zalc publie un article le 9 mai 2025 sur le site de Politis. S’appuyant sur de nombreux ouvrages de références les journalistes parcourent le sujet, ce que je vais faire aussi en synthétisant.
Imaginez. Un des plus éminents chercheurs français sur le nazisme invité d’un média de gauche pour devoir expliquer que non, Hitler n’était ni de gauche ni communiste. Une mauvaise blague ? Pas vraiment. Johann Chapoutot a, en effet, dû rappeler ces faits élémentaires chez nos confrères de L’Humanité, après qu’Elon Musk, homme fort du nouveau pouvoir trumpiste aux États-Unis, a validé les dires d’une candidate de l’AfD, parti d’extrême droite allemande, affirmant sans sourciller qu’Adolf Hitler était communiste !!!
IL s’agit de profondément détourner le sens de mots, de concepts. Le fascisme devient alors de gauche. Le dictateur, un démocrate. Militer, un crime. « Aujourd’hui, le terme ‘militant’ est devenu un outil de criminalisation, observe Johan Faerber, docteur en littérature et récent auteur de Militer, verbe sale de l’époque (Autrement, 2024). Le chercheur cite, par exemple, le terme d’écoterroristes.
Youlie Yamamoto, porte-parole d’Attac, s’insurge : « Les écologistes seraient des écoterroristes, les révoltés des quartiers ou des territoires ultramarins, des émeutiers, les soutiens au peuple palestinien feraient l’apologie du terrorisme, les féministes seraient des féminazies, les antifascistes des fascistes, et les syndicalistes des preneurs d’otages. »
Autres lectures Philippe Corcuff. auteur de La Grande Confusion. Comment l’extrême droite gagne la bataille des idées (Textuel, 2021), ou encore Olivier Mannoni, auteur de l’ouvrage Coulée brune. Comment le fascisme inonde notre langue (Eloise d’Ormesson, 2024), .Pour eux ce qui a permis aux termes d’extrême droite de se diffuser, c’est la « triangulation ». « C’est-à-dire le fait de reprendre leurs idées, leur vocabulaire, et se les approprier. C’est ce que Sarkozy a fait face au FN. »
Mais attention, n’oublions pas que si les mots et concepts d’extrême droite se diffusent en France, accompagnant la montée du racisme et du fascisme, l’offensive linguistique se durcit lorsque l’extrême droite arrive au pouvoir.
En Russie, le mot « guerre » a été interdit pour désigner l’invasion russe de 2022 en Ukraine, le mot fasciste est désormais utilisé pour désigner leurs adversaires. l’Ukraine qu’ils entendent « dénazifier ».
De l’autre côté de l’Atlantique Donald Trump et ses soutiens, Elon Musk en tête, s’inspirent de cet usage des mots. Dès 2015, lors de la première campagne de Donald Trump, Olivier Mannoni, qui s’attelait alors à la traduction de Mein Kampf, a été frappé « des ressemblances ahurissantes dans l’utilisation de la confusion dans les discours ». Lors de la campagne de 2023, Donald Trump promet d’éliminer « les communistes, les marxistes, les fascistes et les voyous de la gauche radicale qui vivent comme de la vermine ».
Dans un autre discours, il parle des « migrants qui empoisonnent le sang de notre pays…
( à suivre…) Lundi 12 mai 2025 – 10h20 / 17h05
O.Nottale