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Sous les paillettes, la rage

today17/06/2025 2

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Bonjour et bienvenue dans “Viens te faire dévalider”, la chronique qui décortique les préjugés et l’actualité autour du genre et du handicap.

Partout en France, en juin, on célèbre le mois des fiertés, avec des manifestations, les fameuses “prides”, mais aussi des expositions et autres événements militants pour célébrer la diversité de la communauté LGBTQIA+. Si certaines entreprises et collectivités en profitent pour se refaire un petit vernis inclusif à grand renfort d’arc en ciel, il faut garder en tête que le mois des fiertés, avant d’être une campagne de com, est avant tout un temps fort pour faire entendre nos revendications politiques.

Rappelons que les discriminations et violences envers les personnes LGBTQIA+ sont systémiques, ce qui veut dire qu’elles touchent toutes les sphères de la société : éducation, emploi, justice, santé, etc. Ce ne sont pas de simples opinions : c’est un système qui désavantage celles et ceux qui sortent de la norme. Et comme toujours, ce sont les personnes les plus marginalisées – racisées, handicapées, précaires, sans-papiers, etc – qui subissent les formes les plus brutales de ces discriminations.

En clair, ce n’est pas parce que vous voyez plus de personnes LGBT+ à la télévision depuis quelques années qu’elles sont forcément mieux traitées.

De l’autre côté de l’Atlantique, depuis le nouveau mandat de Trump, les mouvements réactionnaires s’en donnent à coeur joie, et les personnes trans sont particulièrement visées par les dernières attaques :

La Cour Suprême des Etats-Unis a autorisé Trump à exclure les personnes trans de l’armée américaine ; des recours sont en cours, mais le Pentagone a commencé à appliquer la mesure en autorisant les personnes trans à se retirer volontairement de l’armée.

En Floride, une enseignante a reçu un blâme et verra son contrat non renouvelé l’année prochaine car elle n’a pas mégenré son élève trans, comme la loi l’y oblige désormais.

A Boston, une femme cisgenre aurait été expulsée d’un hôtel pour avoir utilisé les toilettes réservées aux femmes. Le garde l’a sortie des toilettes car il jugeait qu’elle ressemblait à un homme.

Et dans de nombreux Etats, on fait disparaître des bibliothèques et des écoles les livres mentionnant des personnes LGBT+.

Voilà le genre de violences absurdes et inhumaines qui se propagent à la vitesse d’un feu de forêt. Et comme l’administration Trump a décidé de ne plus recenser les crimes transphobes, officiellement il n’y aura plus de transphobie, juste des violences ordinaires sans cible précise. Pratique, hein ?

Et en Europe ? Même constat inquiétant. Les droits des personnes LGBTQIA+ sont bafoués ou menacés. Ainsi, la plupart de pays européens n’ont pas de législation particulière contre les thérapies de conversion, qui sont des pratiques particulièrement barbares. En mai, une initiative européenne a d’ailleurs recueilli plus d’un million de signatures pour interdire ces pratiques dans toute l’Europe.

En France, pays des Droits de l’Homme, on se croit toujours un peu protégés, mais la réalité est bien moins reluisante.

Comme le rappelle le Collectif Intersexe Activiste, les enfants intersexes — dont les corps ne rentrent pas dans les normes binaires — subissent encore des violences médicales : opérations mutilantes, traitements hormonaux imposés, examens intrusifs. Des actes non nécessaires, opérés sans urgence vitale, mais qui laissent des corps marqués et des personnes traumatisées à vie.

Il y a tout juste quelques années, les personnes trans devaient accepter d’être stérilisées pour transitionner officiellement, c’est-à-dire obtenir des papiers d’identité confirmant la transition de genre à l’état civil. Cette opération médicale était censée justifier “le caractère irréversible” de leur transition.

La Cour européenne des droits de l’Homme a fini par reconnaître, dans un arrêt rendu en avril 2017, que cette pratique constituait une violation de leurs droits. Aujourd’hui, la demande de changement d’état civil porte moins sur l’aspect médical de la transition ; l’absence de traitement, d’opération ou de stérilisation ne peut motiver un refus, mais ces interventions continuent de faire partie des preuves apportées par les personnes trans pour motiver leur demande. Rappelons que dans d’autres pays, comme la Colombie, l’Irlande ou la Norvège, le changement d’état civil est libre et gratuit.

Le sujet de la parentalité et de la filiation reste lui aussi particulièrement épineux. Comme l’explique l’humoriste trans Lou Trotignon dans ses spectacles, un homme trans qui tombe enceint et accouche doit par la suite adopter son propre enfant pour le faire reconnaître. Le droit français n’admet pas qu’une personne masculine à l’état civil puisse donner naissance.

Depuis des années, l’extrême-droite brandit l’illusion d’un “lobby LGBT” pour justifier ses attaques contre les droits des personnes queer, comme s’il s’agissait d’une force occulte manipulant la politique à grand renfort de billets. Pendant ce temps, le véritable lobby anti-trans agit, lui, au grand jour.

À l’image de JK Rowling, figure de proue de ce mouvement : après avoir milité pour une définition légale des femmes basée uniquement sur le sexe biologique auprès de la Cour Suprême britannique, elle a récemment lancé un fonds privé, financé par les revenus de Harry Potter, pour soutenir des actions juridiques ciblant les personnes trans.

Vous n’êtes peut-être pas directement concerné.e par les luttes queer, et peut-être en avez-vous marre de voir des arc-en-ciel à chaque coin de rue. Mais le mois des fiertés ne sert pas qu’à faire joli dans les vitrines ou sur LinkedIn. Il sert à rappeler que nos existences sont politiques. Que nos droits ne sont jamais acquis. Et qu’on doit continuer à se battre.

C’était Béatrice, des Dévalideuses pour Divergence FM. Je vous retrouve la semaine prochaine pour la toute dernière chronique de la saison !

 

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