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Société

Où sont les femmes ?

today29/03/2023 2

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    Où sont les femmes ? Divergence


L’Histoire ne reconnaît que les grands hommes. Quand je dis “histoire”, je ne parle pas de ce qu’il s’est effectivement passé, mais du récit qu’on en fait. Car on sait que les femmes ont participé à l’histoire, mais elles ont été oubliées au fur et à mesure, invisibilisées ou volontairement exclues du grand récit collectif. Comme disait Simone de Beauvoir : “toute l’histoire des femmes a été faite par les hommes”.

Ce phénomène a notamment été expliqué dans le recueil “Ni vues ni connues”, réalisé par le collectif Georgette Sand. “Il s’agit moins de conspiration […] que d’une omission, d’une négligence tellement coutumière qu’elle devient pratique quasi systématique”.

Une “omission” que l’on retrouve dans les livres d’histoire, les listes d’œuvres à étudier pour le bac de français, les œuvres présentes dans les musées, ou encore les noms de rues.

On peut trouver ça anecdotique, mais seulement 5% des rues en France portent le nom d’une femme. Pourtant, ce ne sont pas les noms qui manquent. Mais bien la volonté de les afficher, de les reconnaître, de les faire entrer dans l’Histoire avec un grand H. À Nantes, la municipalité a décidé de changer les choses : 70% des nouveaux noms de rue sont ceux de femmes illustres, choisies en collaboration avec les habitants de la ville. Un exemple suivi par d’autres villes comme Paris.

Même chose dans les musées. Au Louvre, qui est pourtant le musée le plus visité de France, il n’y a qu’une quarantaine de tableaux réalisés par des artistes femmes alors que les collections comptent environ 12 000 tableaux. C’est simple, il y en a tellement peu qu’il existe une page wikipedia pour pouvoir les localiser dans le musée. Ce serait presque drôle si ce n’était pas aussi dramatique.

Du côté des Prix Nobel, même combat. Seulement 6% de lauréates depuis 1901. Ce n’est plus un creux, c’est un gouffre qui sépare le traitement des hommes et des femmes. D’ailleurs pour l’anecodte, l’américaine Andrea Ghez, quatrième femme à recevoir le prix Nobel de Physique en 2020, a reçu en cadeau du jury… un magnifique livre de recettes de cuisine. Ce n’est même pas une blague. Depuis le début du siècle, les choses vont en s’améliorant. Malheureusement, il est difficile d’analyser si le nombre grandissant de lauréates au Prix Nobel est dû à une prise de conscience des différents jury, ou au plus grand nombre de noms de candidates soumis, étant donné que l’identité des nominés non-sélectionnés ne peut être révélée avant un délai de 50 ans. Voilà.

Derrière la négligence apparente, il y a des choix politiques. Des choix effectués depuis toujours dans des cercles de pouvoir où les femmes sont pratiquement toujours absentes ou minoritaires. Lorsque les femmes ne se rendent pas elles-mêmes invisibles en raison d’une éducation genrée, des normes de leur époque ou d’un manque de confiance en elles, elles sont rendues invisibles par leur entourage, mari, famille ou collègues.

Je pense par exemple à Maria Anne Mozart, grande sœur du célèbre Wolfgang Amadeus. Elle chante, joue, et compose à merveille, si bien qu’elle connaît le succès en même temps que son frère à travers l’Europe. Sa carrière aurait peut-être été aussi mémorable si sa famille n’avait pas coupé court, jugeant que la musique n’était pas un destin suffisamment respectable pour une femme. Comme beaucoup de femmes de son époque, elle devra donc sacrifier son art, rentrer dans le rang et se marier.

Pire encore, lorsqu’elles arrivent à être reconnues dans leur domaine, comme les sœurs Brontë, leur art est souvent considéré comme mineur, moins intéressant, moins digne ou moins valable que celui de leurs homologues masculins en leur temps.

Pour les figures féminines plus connues, comme Rosa Parks, Joséphine Baker ou Frida Kahlo, leur apparente popularité n’a d’égale que la méconnaissance qu’on a de leur histoire. On vante leur courage, leur singularité ou leur beauté, en jetant un voile sur les aspects plus complexes de leur engagement ou de leur travail.

Vous l’avez compris, les mécaniques qui tendent à faire disparaître les femmes de l’histoire sont bien plus complexes qu’il n’y paraît. Alors comment faire pour lutter contre l’oubli ? Pour faire émerger les noms de toutes ces femmes qui ont jalonné notre histoire, qui ont lutté, créé ou innové ?

Et bien on retrousse nos manches et on écrit nous-mêmes l’histoire. En 2016, la version française de l’encyclopédie collaborative Wikipedia comptait seulement 14% de biographies féminines sur les quelque 525 000 biographies existantes. Le collectif “Les sans pagEs” a alors été créé pour combler les biais de genre sur Wikipedia.

Les membres du collectif encouragent les volontaires à rédiger de nouvelles biographies ou à compléter celles déjà existantes, en s’aidant de toutes les ressources à disposition. Elles invitent aussi les journalistes à les aider en rédigeant des sources de qualité sur les femmes, le genre et les féminismes, en particulier des analyses, pour pouvoir démontrer la notoriété des sujets. Car pour respecter les critères d’admissibilité très stricts de l’encyclopédie, les biographies réalisées doivent disposer de sources de qualité pour justifier toutes les informations avancées.

Ce travail de fourmi est extrêmement important. D’autant que Wikipédia est l’un des sites les mieux référencés. Ce qui veut dire que si vous tapez le nom d’une personne sur un moteur de recherche, quel qu’il soit, il y a de fortes chances que la biographie de cette personne sur Wikipédia soit le premier résultat de recherche à apparaître. Or, pour être connu, il faut être vu !

Si vous vous sentez l’âme d’une chercheuse, sachez que le collectif organise régulièrement des d’événements, notamment des ateliers collaboratifs, idéals pour les débutantes !

C’était Béatrice, pour “Viens te faire dévalider”. A la semaine prochaine !

 

 

Diffusion mercredi 29 mars 2023 – 10h20 / 17h05

 

B.Pradillon


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