
Chères auditeurices,
Bonjour et bienvenue dans Mismatch, l’émission dédiée à l’accessibilité des jeux vidéo. Elle est destinée aux professionnels, aux néophytes du média mais aussi aux joueurs et joueuses. Je suis Damien Fargeout, game designer de formation, consultant en accessibilité de jeux vidéo et président de l’association Dear Valid People. Chaque semaine, nous mettrons en lumière, ensemble, chaque pièce du puzzle formant ce jeune domaine qu’est l’accessibilité de jeu vidéo. Étant moi-même handicapé, ma formation mêlée à mon expérience de vie m’ont amené à me spécialiser sur le sujet.
Pour la dernière partie de la saison, je souhaite donner une deuxième lecture sur certaines features d’accessibilité. J’en ai parlé au sein de leur famille, au sein de certains jeux mais jamais de manière indépendante. Cela me permettra d’aller plus loin dans la technique, leurs différentes applications et leurs limites. Le premier épisode de cette série sera consacré à la feature d’accessibilité la plus renommée, à savoir, le remapping. Pour rappel, il s’agit de donner le choix au joueur de changer les inputs nécessaires pour réaliser des actions dans le jeu. Par exemple, si A est la touche d’une manette correspondant à l’action de sauter alors il est possible de la changer pour la touche B. Et ceci est possible avec l’ensemble des actions du jeu. Plus votre jeu est ambitieux, plus le remapping est complexe. Il y a une corrélation entre le nombre d’actions et le remapping. Aujourd’hui, 25 inputs sur une manette traditionnelle n’est pas suffisant pour accueillir l’ensemble des actions d’un jeu récent. Dans ce contexte, réfléchir à une expérience partielle ou à un maximum d’inputs pour jouir de l’entièreté de l’expérience est nécessaire. Nous y reviendrons.
Historiquement, le remapping est perçu comme une solution pour les joueurs e-sportifs. Il permet d’optimiser leur jeu et de produire la meilleure performance en compétition. Comme c’est le cas d’autres features, elles étaient prévues pour les hardcore gamers avant de devenir des options d’accessibilité. Certaines croyances amènent à l’opposition entre hardcore et accessibilité alors que ce n’est que deux faces d’une même pièce.
Le remapping est proposé à plusieurs niveaux. Soit il est possible dans le système de jeu, consoles ou PC, soit dans le jeu lui-même. La principale différence se situe dans sa prise en compte dans le gameplay. Prenons la situation d’un tutoriel affichant une touche spécifique. Si cette touche a été changée au niveau du système, il y a de fortes chances que le jeu ne le prenne pas en compte. L’affichage resterait donc le même. D’autres niveaux de remapping sont proposés : les schémas de contrôles et le remapping total. Certains jeux offrent la possibilité d’avoir plusieurs schémas de contrôle : type A, type B, type C. L’avantage est de pouvoir couvrir différentes capacités de jeu tout en gardant une responsabilité de design. Elle est aussi bien plus simple et rapide pour un joueur. Mais cette solution reste limitée lorsque l’on prend en compte l’ensemble des besoins d’un joueur. Quant à lui, le remapping total le permet mais demande un temps non négligeable, hors jeu, ainsi qu’une expertise au joueur qu’il n’a pas forcément. De mon point de vue, cette expertise est celle du designer, de son jeu, d’un côté et des capacités d’un joueur, de l’autre.
Lors de son utilisation, il est très facile d’appliquer la même touche à plusieurs actions. Il sera alors nécessaire d’indiquer les différents conflits au joueur. Il peut être possible de proposer plusieurs états d’une même touche pour augmenter les possibilités d’utilisation : enfoncé, simple appui, double appui. Dans ce cas, l’écart entre les appuis pour être considéré comme double est à paramétrer.
Une des limites du remapping total est qu’il demande forcément d’aller dans les options pour être paramétré. À l’instar de la narration vocale, activé par défaut dans certains jeux, le remapping devrait être proposé dès le lancement du jeu, aux côtés d’autres options en First Boot Up. Nous en avons parlé dans un épisode précédent. Dans la continuité, le remapping pourrait être intégré aux premières minutes de jeu, lors du tutoriel. Choisir les inputs les plus accessibles ferait alors partie de l’expérience. Et cela justifierait la mise en responsabilité du joueur à ce propos.
Pour finir, je souhaite revenir sur deux sujets dits en introduction, qui vont de pair : l’expérience partielle et limiter le nombre d’inputs pour terminer une expérience. En effet, en progressant, le joueur débloque de nouvelles mécaniques de gameplay demandant de nouveaux inputs à maîtriser. Il faut alors trouver le moyen de les automatiser quand nécessaires. Leurs utilisations deviennent souvent obligatoires pour arriver au bout d’une expérience. C’est dans ces conditions qu’une expérience partielle doit être anticipée, considérée comme possible et aussi importante que celle totale. Elle est vue comme partielle par les designers la comparant avec leur conception idéale, mais pas pour le joueur à qui c’est accessible. Cela serait alors l’entièreté de son expérience.
Réfléchir à une manière de jouer avec un seul bouton et une roue d’action pourrait être un objectif à atteindre dans le cadre du remapping.
Pour le prochain épisode, nous allons parler des QTE. Devenu célèbre dans les années 2000, ils peuvent être une mécanique principale d’un jeu et être un point bloquant. Des alternatives d’accessibilité sur les QTE offrent une nouvelle variété d’expériences.
Vous venez d’écouter Mismatch, une émission créée par un concerné pour des concernées.
Diffusion vendredi 9 mai 2025 – 10h20
D.Fargeout