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Le mouvement 4B

today19/11/2024

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Bonjour et bienvenue dans “Viens te faire dévalider”, la chronique qui décortique les préjugés et l’actualité autour du genre et du handicap.

Une vague misogyne traverse nos fils d’actualité. Partout, la même volonté de contrôler nos corps, nos esprits, nos habits.

En Irak, un projet de loi projette d’abaisser l’âge légal du mariage à 9 an ; en Iran, une étudiante a déambulé en sous-vêtements pour protester contre l’oppression avant d’être arrêtée et probablement torturée ; en, Afghanistan, les femmes n’ont désormais plus le droit de se parler entre elles ; au Japon, une figure politique propose d’interdire aux femmes d’étudier après 18 ans, de se marier après 25 ans, et même d’avoir un utérus passé 30 ans pour relancer le taux de natalité ; aux Etats-Unis, l’élection de Trump porte un nouveau coup aux droits reproductifs, et déchaîne les pires instincts misogynes.

Dès que la victoire de Trump a été officialisée, les femmes ont commencé à faire des stocks de pilules abortives et les demandes de moyens de contraception ont explosé. Elles ont peur, et on les comprend. Dans une vidéo devenue virale, un influenceur politique jubile “Devinez quoi ? Les mecs ont encore gagné ! Vous n’aurez jamais le contrôle de votre propre corps ! Vos corps, nos choix”. Un slogan repris en masse par les supporters de Trump, jusque dans les cours de récréation. Dans la rue comme dans les médias, les propos misogynes et haineux prennent une ampleur sans précédent.

Après la consternation et le déni, la colère commence à déferler. Certaines femmes se rasent le crâne en signe de protestation. D’autres quittent leur partenaire ou mari car il soutient la politique de Trump, et encouragent d’autres femmes à faire de même. Sur le réseau TikTok en particulier, des centaines de jeunes femmes appellent à rejoindre le mouvement 4B. Mais de quoi s’agit-il exactement ?

Ce mouvement est né dans les années 2010 en Corée du sud, un pays en apparence progressiste. Mais là-bas, comme ailleurs, les femmes coréennes subissent de nombreuses violences sexistes et discriminations. Les injonctions sont particulièrement fortes : les femmes sont cantonnées à un rôle traditionnel, et poussées à se conformer à un certain idéal de beauté féminin, à grand renfort de chirurgie esthétique. Côté professionnel, elles sont en moyenne 30% moins payées que les hommes, et poussées à quitter leur emploi dès qu’elles ont un enfant.

En réaction, les coréennes ont fondé un mouvement basé sur quatre principes fondamentaux : il s’agit de dire non aux relations romantiques avec des hommes, non aux relations hétérosexuelles en général, non au mariage, et non au devoir reproductif, c’est-à-dire aux enfants. Le mouvement est appelé “4B” car dans la langue coréenne, chacun des principes énoncés commence par “bi”, qui veut dire “non”.

On réduit souvent ce mouvement à un “boycott des hommes”, mais c’est bien plus que cela. Il s’agit de se libérer des normes du genre et des attentes patriarcales qui pèsent sur le genre féminin.

C’est radical, évidemment. Le risque serait de percevoir cette radicalité comme une forme de violence en soi. De renvoyer dos à dos les mouvements féministes et les mouvements misogynes, comme s’ils avaient le même poids dans la balance.

Le mouvement 4B est une forme de résistance non violente. En disant non aux hommes, au mariage et aux enfants, les femmes en Corée du sud ou aux Etats-Unis décident simplement de s’extraire de l’équation. Elles refusent de se soumettre plus longtemps à un système qui les exploite et les violente.

La misogynie, quant à elle, est intrinsèquement violente. Il ne s’agit pas seulement d’une vision passéiste des rôles de chacun dans la société, l’homme au travail et la femme à la maison. Mais bien d’imposer, de contraindre les femmes et minorités aux attentes masculines, au détriment de leur intégrité physique et psychologique. Ainsi au Texas, après l’interdiction de l’IVG, la mortalité des femmes enceintes a bondi de 56% entre 2019 et 2022.

Ovidie l’affirme dans son dernier essai : “nous vivons sous le régime de la terreur, le terme est à peine exagéré. Terreur qu’ils nous harcèlent dans la rue ou sur les réseaux sociaux, qu’ils nous frappent, qu’ils nous violent, qu’ils nous tuent. Terreur qu’ils décident à notre place de notre contraception ou de notre volonté d’avorter. Nous avons intégré la peur, nous ne savons plus comment nous habiller, trop ou pas assez couvertes, en minijupe ou avec un voile, ils trouveront toujours quelque chose à redire.” Dans cet essai, l’autrice se confie sur les raisons qui l’ont amené à stopper toute relation sexuelle.

En France, nous aimons bien hiérarchiser les préjudices, pour montrer que nous ne sommes pas si mal loties vis-à-vis de nos sœurs dans d’autres pays. Pourtant, on compte 122 féminicides cette année d’après l’Inter Orga Féminicides. Il n’y a pas de petit préjudice ; nous sommes face à continuum de la violence, un ensemble d’expériences complexes et interdépendantes, où les petites inégalités viennent nourrir les grandes violences.

Défiler dans la rue, écrire des articles, relayer des pétitions, se raser la tête, faire des vidéos sur Tiktok, manifester en sous-vêtements ou arrêter de se marier et d’avoir des enfants, quelle que soit la méthode choisie, je crois surtout qu’on fait du mieux qu’on peut pour exprimer notre colère et défendre nos droits, en pensant à ceux et celles qui n’ont pas ce privilège.

C’était Béatrice, des Dévalideuses pour Divergence FM. A la semaine prochaine !

 

Diffusion mercredi 20 novembre 2024 – 10h20 / 17h05

 

B.Pradillon


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