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Le droit à la parentalité

today07/01/2025 13

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Bonjour et bienvenue dans “Viens te faire dévalider”, la chronique qui décortique les préjugés et l’actualité autour du genre et du handicap.

Andrew Montzingo est professeur, coach sportif et aussi créateur de contenus ; il réalise de nombreuses vidéos pour les réseaux sociaux avec sa femme et ses deux filles, Emma et Olivia. Entre Youtube, Instagram et TikTok, il cumule plus de 8 millions d’abonnés. Dans ses publications, ce père de famille montre un quotidien partagé par des millions d’autres familles américaines : les sorties à la plage, la préparation du sapin de Noël, ou encore les soirées devant un match à la tv. Mais ce qui fait la particularité de cette famille, c’est que ce sont des personnes de petite taille.

Les vidéos sont conçues pour être drôles et positives, mais derrière cette apparente légèreté, Andrew a bien conscience de ce qui se joue. En exposant sa famille, en montrant toute la banalité de son quotidien, il délivre un message puissant : “nous vivons, mangeons, aimons et respirons comme vous”.

Montrer, c’est normaliser. C’est créer de nouveaux modèles auxquels s’identifier, dans une société où les personnes handicapées sont trop souvent reléguées au second plan, voire invisibilisées.

Malheureusement, exister sur les réseaux quand on sort de la norme, c’est aussi s’exposer à toutes sortes de violences. Je ne vais pas reproduire en substance les commentaires haineux trouvés sous ses publications, mais il y a beaucoup d’injonctions à ne plus « se reproduire », des insultes et moqueries, et aussi des personnes outrées qu’il continue d’exposer ses enfants en sachant que chacune de leurs apparitions alimente les commentaires de ces haters anonymes.

D’un point de vue éthique, il y a effectivement matière à débattre. Personnellement, je suis contre l’exposition des enfants sur les réseaux sociaux, surtout à un âge où iels ne peuvent pas consentir ou même comprendre les implications. Mais beaucoup d’autres parents utilisent leurs enfants pour générer des interactions sur les réseaux sociaux, sans qu’on y trouve rien à redire.

Ce qui gêne dans le fond, ce n’est pas le fait qu’il expose ses filles sur les réseaux, mais bien le fait qu’elles soient visiblement handicapées. Et ça, c’est hyper validiste.

Mais le plus choquant dans les réactions, ce sont tous les messages eugénistes – et il y en a énormément – disant qu’Andrew n’aurait jamais dû avoir d’enfants vu sa condition.

On aborde ici un préjugé aussi violent que répandu. Dans l’idéologie validiste, les personnes handicapées sont considérées comme inférieures aux personnes valides, moins humaines en quelque sorte, ce qui justifie les violences et discriminations qu’elles subissent.

La pensée eugéniste pousse le curseur plus loin, puisqu’elle considère que les personnes ayant un patrimoine génétique “imparfait” ou “défaillant” ne devraient pas avoir d’enfants. Ajoutez à ces arguments un soupçon de Darwinisme social, et son principe de “survie du plus apte”, qui soutient qu’on ne devrait pas aider artificiellement les personnes les plus faibles d’un groupe social, et vous obtenez un beau cocktail de violence validiste gratuite.

Déjà, il est essentiel de rappeler ici que les maladies ou handicaps ne sont pas forcément transmissibles. D’ailleurs, le frère d’Andrew, lui aussi très présent sur les réseaux, fait un bon mètre quatre-vingt cinq, malgré deux parents de petite taille.

Beaucoup justifient leurs arguments eugénistes en évoquant la souffrance supposée des enfants nés handicapés. Il est vrai que les personnes atteintes d’une forme de nanisme peuvent rencontrer différents problèmes de santé durant leur vie, et Andrew ne s’en cache pas ; il indique notamment avoir subi plusieurs opérations du dos quand il était plus jeune.

Mais la souffrance fait partie de la vie, que l’on soit handicapé ou valide. Cela n’empêche pas d’avoir une vie riche et heureuse. Et la principale difficulté des personnes handicapées, ce n’est pas forcément leur handicap en soi, mais plutôt le manque d’accessibilité de la société, ainsi que les regards et préjugés auxquels nous sommes confrontés dès le plus jeune âge.

Le validisme est une discrimination systémique qui touche tous les pans de la société, et se traduit par des violences concrètes, notamment dans l’accès à la parentalité. Par exemple, une femme handicapée en début de grossesse sera encouragée à avorter avant même d’être félicitée. Les personnes handicapées sont jugées inaptes à avoir des enfants, sur la seule base de leur handicap, et rencontrent énormément d’obstacles pour pouvoir fonder une famille.

C’est d’ailleurs le sujet du livre “Une grossesse ordinaire” de Sushina Lagouje, qui sort le 9 janvier prochain en librairie. L’autrice, une professeur de français atteinte de myopathie, nous raconte comment son désir d’enfant s’est transformé en parcours d’obstacles.

Les histoires d’Andrew et Sushina sont loin d’être des cas isolés, et leur expérience doit être une piqûre de rappel : chaque personne doit avoir le droit de décider librement de sa parentalité, sans jugement ni discrimination. Ce sont des droits fondamentaux, qui s’appliquent donc à tous les êtres humains.

C’était Béatrice, des Dévalideuses pour Divergence FM. A la semaine prochaine !

 

 

Diffusion mercredi 8 janvier 2025 – 10h20 / 17h05

 

B.Pradillon


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