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Le cri du corps

today22/04/2025 1

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Bonjour et bienvenue dans “Viens te faire dévalider”, la chronique qui décortique les préjugés et l’actualité autour du genre et du handicap.

C’est une information qui est probablement passée inaperçue. La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a annoncé la mise en place d’une consultation spécifique pour toutes les femmes dès les premiers symptômes de la ménopause, intégrant les dimensions gynécologique, cardiovasculaire et ostéoarticulaire.

Cette annonce gouvernementale fait suite à la remise du rapport de Stéphanie Rist sur l’état de la ménopause en France, le 9 avril dernier. On y apprend ainsi que les maladies cardiovasculaires liées à la ménopause sont la première cause de décès des femmes en France. 50% des personnes concernées considèrent que la ménopause a une incidence directe sur leur travail.

Et pour cause ! Les troubles sévères de la ménopause – sueurs nocturnes, bouffées de chaleur, migraines et autres réjouissances – touchent entre un quart et un tiers des femmes et personnes sexisées. Pourtant, en raison du manque d’information et de suivi, seulement 2,5 % d’entre elles bénéficient d’un traitement hormonal adéquat.

Personnellement, ayant atteint la quarantaine, je suis plutôt heureuse de voir qu’on daigne enfin s’intéresser un peu au sujet. La ménopause n’est pas qu’un sujet médical, c’est aussi un sujet social et politique.

Encore aujourd’hui, elle est synonyme de railleries voire d’insultes – rappelez-vous ce chroniqueur qui avait traité Sandrine Rousseau de “Greta Thunberg ménopausée”. On traite la ménopause, qui touche pourtant la moitié de la population pendant la moitié de leur vie, comme une pathologie honteuse. De fait, pour beaucoup, la ménopause marque une forme de mise à l’écart sociale. Cela signifie une exclusion définitive du “grand marché à la bonne meuf”, comme dirait Virginie Despentes.

Et la société entretient soigneusement ce mythe. On continue d’entendre que les hommes vieillissent “naturellement” bien ; les cheveux grisonnants et pattes d’oie autour des yeux sont perçus comme les signes d’une maturité enviable, tandis que les femmes sont sommées de lutter à tout prix contre ces mêmes signes de l’âge, à grand renfort de teinture, de botox et de crème anti-rides hors de prix.

Par ailleurs, la ménopause et la périménopause ont souffert, comme beaucoup d’autres maux de la sphère féminine, d’un vrai désintérêt de la part de la communauté médicale et scientifique.

“La médecine moderne peut faire battre les cœurs à l’aide de stimulateurs cardiaques, mettre les corps en état d’animation suspendue pour les opérer, créer des bébés-éprouvette et même contrecarrer les troubles hormonaux de l’érection grâce à un médicament fiable. En revanche, elle n’a visiblement pas grand chose à opposer aux troubles du climatère.” explique Gloria Stein dans “Bouffées de chaleur”. “Climatère” désigne ici les années de changement hormonal, avant et après la ménopause.

Il n’y a qu’à regarder l’endométriose, une maladie chronique inflammatoire qui touche environ 10% des femmes, et constitue l’une des principales causes d’infertilité. Il a fallu attendre 2004 pour que le sujet apparaisse dans un rapport de l’INSERM, et début 2020 pour que le sujet commence à bénéficier d’un certain relai politique. Pour ces raisons, l’endométriose reste encore mal comprise et mal diagnostiquée. En moyenne, il faut 7 ans d’errance médicale avant d’espérer obtenir un diagnostic.

La société se moque de la souffrance des femmes, de leurs corps, de leurs maux.

Dès les premières règles, on nous prescrit la pilule sans nous avertir des multiples risques pour notre santé. La majorité des personnes réglées souffrent de syndrome prémenstruel, pourtant personne ne semble s’y intéresser. On continue de nous poser des stérilets en trois minutes chrono, sans anesthésie, alors que la douleur peut littéralement nous faire défaillir. On a longtemps cru que les symptômes d’une crise cardiaque étaient identiques pour les hommes et pour les femme ; de fait, les femmes sont plus mal diagnostiquées et ont donc plus de risques d’en mourir ou de subir des séquelles.

Le suicide est la première cause de mortalité des femmes après un accouchement. Il est vrai qu’il y a beaucoup plus de suicides chez les hommes en général. Mais on oublie souvent de préciser que ce sont les femmes qui font le plus de tentatives. Il ne faut pas s’étonner qu’en France, 42, % des femmes aient déjà consommé des médicaments psychotropes, contre 27 % des hommes.

Ce déni de la souffrance a des conséquences concrètes sur nos vies sociales, amoureuses et professionnelles. Quand les douleurs menstruelles, les migraines hormonales, la fatigue chronique ou la dépression post partum sont banalisés, ce sont nos journées de travail, notre concentration, ou encore notre couple qui en prennent un coup. Et comme il ne faut surtout rien montrer, on serre les dents, tout en culpabilisant de ne pas être à la hauteur.

La sphère médicale a tendance à ignorer ou pathologiser les vécus qui sortent de la norme supposée du corps « neutre » ou normé, c’est-à-dire jeune, blanc, mince, en bonne santé… et masculin. On sait que les essais cliniques sont majoritairement faits sur des hommes. Que la douleur est moins bien évaluée chez les femmes et les minorités de genre, particulièrement lorsqu’elles sont racisées. Que les femmes et les personnes LGBT+ ont plus de risques de voir leurs maux physiques attribués à des désordres psychologiques. Ce sont des biais validistes, qui impactent directement notre santé tout au long de la vie.

Heureusement, grâce aux luttes féministes, aux collectifs comme EndoFrance ou STOP VOG contre les violences obstétricales et gynécologiques, mais aussi grâce à toutes les personnes qui en parlent publiquement, les choses commencent à bouger. Mais ce n’est pas à nous de tout porter. Il est temps que le monde médical, scientifique et politique prennent cette question au sérieux.

C’était Béatrice, des Dévalideuses pour Divergence FM. A la semaine prochaine !


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