
Chères auditeurices,
Bonjour et bienvenue dans Mismatch, l’émission dédiée à l’accessibilité des jeux vidéo. Elle est destinée aux professionnels, aux néophytes du média mais aussi aux joueurs et joueuses. Je suis Damien Fargeout, game designer de formation, consultant en accessibilité de jeux vidéo et président de l’association Dear Valid People. Chaque semaine, nous mettrons en lumière, ensemble, chaque pièce du puzzle formant ce jeune domaine qu’est l’accessibilité de jeu vidéo. Étant moi-même handicapé, ma formation mêlée à mon expérience de vie m’ont amené à me spécialiser sur le sujet.
Dans les derniers épisodes, nous sommes sur des features d’accessibilité ayant principalement un impact moteur. Mais pas seulement, comme nous avons pu le voir avec le aim assist. Il me semble légitime d’enchaîner sur des features ayant un impact d’un autre ordre : le visuel. En introduction, je tiens à rappeler que le handicap visuel est un spectre. Il commence par la plus légère altération de la vue à la malvoyance profonde où la perception est plus proche que la vision. Dans ce cas, le changement de lumière, certaines formes sont toujours perçus et deviennent alors les outils avec lesquels les designers doivent travailler. Une partie du handicap visuel est acceptée jusqu’à ce qu’il puisse être compensé par un simple outil : les lunettes. Au-delà, la société est coincée dans une voie sans issue avec cette impossibilité de corriger le handicap. Vision médicale quand tu nous tiens…
Mais un panel d’options d’accessibilité existe dans le cadre du jeu vidéo. Certains semblent évidents et plus pragmatiques que d’autres, comme la capacité de changer la taille des textes. C’est la première approche mais pas forcément la plus simple. Elle est technique. Dans le sens où les textes s’affichent dans des blocs et en grandissant le texte, ils menacent de casser. Il est nécessaire de le penser en amont, comme d’autres options d’accessibilité. Sinon cela demande de déconstruire/reconstruire le système, ce qui signifie perte de temps et d’argent comme a pu l’expérimenter Obsidian sur le développement de Outer Worlds. Il peut être pensé dans différentes catégories : les menus, les dialogues, le HUD. On peut alors penser à la taille de textes dans les éléments de jeu comme les prompts, qui permettent d’afficher certains visuels stylisés comme les tags. Ils peuvent déjà être perçus comme une d’accessibilité car l’affichage est souvent illisible, maintenant le lore ou des informations clés, hors de portée du joueur. La modification de la taille du HUD ainsi que la position des éléments sont des possibilités encore bien trop rares. Encore aujourd’hui, à la sortie du nouveau Doom the dark ages, un élément du HUD est ridiculement petit alors qu’il est censé donner le nombre limité d’une capacité. Il y a une question d’optimisation de la visibilité de l’écran de jeu par les designers. Comme avec les manettes, on en rajoute à l’écran, comme si ce n’était jamais assez. Sauf que certaines informations importantes peuvent être cachées dans ce flot comme la santé par exemple. Alors il faut laisser la possibilité au joueur de le mettre à la portée de sa vision, même si cela va à l’encontre du HUD établi. J’y vois un parallèle avec le remapping où seul le joueur sait ce qui est le plus optimal pour lui.
Pour continuer sur la question des visuels stylisés, il est fréquent de voir un titre adopter une typographie de texte alignée avec le design général. Il est tout aussi fréquent qu’ils soient peu lisibles, à la manière des logos des groupes de métal. Il faut donner le choix de la typographie pour sa lisibilité, pour les personnes ayant un handicap visuel ou dyslexiques. À nouveau, une option s’ouvre à plus d’une catégorie de joueurs. Dans la même idée, il est possible de mettre en avant les informations clés par le gras. Cela facilite la lecture pour tous, notamment ayant un handicap cognitif. Dans la même idée, un bloc d’arrière plan permet un meilleur contraste avec le décor et donc une meilleure lecture.
Cette mise en avant doit être possible avec les composants de jeu en lui-même. Le décor peut-être travaillé, il reste un élément de distraction pour les joueurs malvoyants. N’ayant pas la possibilité de jouir de ce niveau de détail, ce qui est peut devenir un défaut en termes d’accessibilité. Pouvoir invisibiliser le décor tout en surlignant les éléments de jeu sont deux bonnes pratiques à garder en tête. Pour aller encore plus loin dans cette philosophie, comment pourrions-nous faire avec un décor en 3D ? Il est possible de voir un mode high contraste dans certains titres. L’ensemble du décor est grisé et les éléments importants comme alliés, ennemis, objets sont en couleur. Il n’est pas sans rappeler les phases de prototypage dans les productions où les textures ne sont pas encore intégrées. Comme quoi, l’accessibilité n’est pas que technique et peut arriver à tout moment.
Dans certains titres ou phases de gameplay comme le looting, devoir récupérer des objets à droite et à gauche, la vue va être particulièrement demandée. Malgré la mise en place de surbrillance ou autres pour attirer l’oeil du joueur, cela peut s’avérer insuffisant. Il faut alors changer de tactique et passer par des feedbacks sonores, ce qui sera l’objet du prochain épisode. Elle est la feature phare de l’accessibilité visuelle mais encore trop peu exploitée aujourd’hui : la narration vocale. En jeu ? Dans les menus ? Tout reste à découvrir dans ce domaine.
Vous venez d’écouter Mismatch, une émission créée par un concerné pour des concernées.
Diffusion vendredi 30 mai 2025 – 10h20
Rediffusion lundi 2 mai 2025 – 10h40 / 17h40
D.Fargeout