L’accessibilité c’est trop woke
Bonjour et bienvenue dans “Viens te faire dévalider”, la chronique qui décortique les préjugés et l’actualité autour du genre et du handicap.
“L’accessibilité est-elle devenue un sujet woke ?” C’est une des questions qu’on m’a posées lors de la table ronde en ligne de l’événement ComposiDay la semaine dernière.
En effet, depuis l’arrivée au pouvoir de Trump aux Etats-Unis, l’accessibilité et l’inclusion des personnes handicapées ont soudainement été propulsés au rang de sujets indésirables, “wokistes”, même si ce mot n’a aucun sens.
Pour preuve, la page accessibilité du site internet de la Maison Blanche, qui regroupe les informations essentielles aux usagers et usagères handicapé·es, a tout bonnement disparu.
Sous la présidence de Biden, le site avait pourtant été amélioré pour devenir plus accessible et inclusif. On y trouvait, entre autres, deux lignes de standard téléphonique dédiées aux personnes handicapées, dont une spécifique aux personnes malentendantes. Il était aussi possible d’adapter les contrastes ou la taille de police des textes. Toutes ces avancées ont été balayées d’un revers de main.
Si vous en doutez, allez vérifier par vous-même : Internet n’oublie rien. En tapant page accessibilité White House dans un moteur de recherche, vous retrouverez les anciennes versions datant de l’ère Biden ou Bush. Mais sur le site actuel, rien.
Rappelons que les mesures d’accessibilité, qu’elles soient physiques – comme une rampe pour les personnes à mobilité réduite – ou numériques, ne bénéficient pas uniquement aux personnes handicapées. C’est justement le principe de l’accessibilité : rendre nos environnements utilisables et praticables pour le plus grand nombre.
Un rappel qui était présent sur la page avant sa disparition : “Nos efforts continus en matière d’accessibilité visent à nous conformer aux lignes directrices pour l’accessibilité des contenus web […]. Ces lignes directrices contribuent non seulement à rendre le contenu du web accessible aux utilisateurs et utilisatrices en situation de handicap sensoriel, cognitif ou moteur, mais aussi à l’ensemble des usagers, quelles que soient leurs capacités.”
Un site réellement accessible est donc plus ergonomique et plus agréable à utiliser pour tout le monde, que l’on navigue sur un ordinateur ou un smartphone. Et quand bien même l’accessibilité ne serait utile qu’aux personnes handicapées qui ont des besoins spécifiques, ce serait quand même un argument suffisant pour légitimer ces pratiques.
L’accessibilité est le prérequis de l’inclusion. C’est ce qui permet de mettre tout le monde sur un pied d’égalité et de garantir à chacun et chacune une pleine participation à la vie en société. Ça ne devrait même pas être sujet à débat.
Trump ne s’est pas arrêté là : il a également mis un terme brutal aux politiques de diversité, d’équité et d’inclusion dans son administration, entraînant avec lui de nombreuses entreprises. McDonald’s, Walmart, Meta, Boeing, Ford, Harley-Davidson ou encore la marque de whisky Jack Daniel’s ont immédiatement réduit ou abandonné leurs programmes. Il faut rappeler que bon nombre d’entre eux avaient été mis en place à la suite du mouvement Black Lives Matter en 2020.
Les politiques de diversité et d’inclusion, comme les quotas d’embauche de personnes handicapées, ne sont pas des mesures de favoritisme. Les groupes minorisés subissent des discriminations et des inégalités dès l’enfance. Ces politiques visent donc à rétablir une certaine égalité des chances, notamment dans le monde du travail.
A titre d’exemple, en France, il est très difficile pour les enfants handicapés d’accéder à l’éducation. Les AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap), qui conditionnent l’accès des enfants à l’école, sont en sous-nombre ; beaucoup d’élèves n’ont pas accès à l’école, ou seulement quelques heures par semaine. Par ailleurs, les écoles et le matériel pédagogique ne sont pas accessibles, les classes sont surchargées et le corps enseignant n’est pas formé à l’accueil des élèves handicapés. Beaucoup d’enfants se retrouvent dans le système institutionnel, où le niveau éducatif n’est pas le même. Et c’est encore pire pour ceux et celles qui arrivent à se hisser jusqu’aux études supérieures. Il faut énormément de persévérance, des aides humaines, un soutien familial et financier important pour espérer décrocher un diplôme.
Favoriser la diversité dans les recrutements, c’est aussi s’assurer d’une pluralité de points de vue, essentielle à l’innovation. C’est particulièrement frappant dans l’univers de la tech : tant que les équipes resteront majoritairement blanches, masculines et valides, les technologies produites continueront à ignorer les besoins d’une grande partie de la population et à reproduire des biais sexistes, racistes, validistes ou homophobes.
Trump ne se contente pas de saper les politiques en faveur de l’inclusion ; il les considère comme “immorales” et même “illégales”, des termes repris par la nouvelle porte-parole de la Maison Blanche. Résultat : de nombreuses institutions suppriment jusqu’aux mots accessibilité et inclusion de leurs communications. Ce qui se joue sous nos yeux est extrêmement alarmant. Les minorités sont déjà victimes de discriminations. Aujourd’hui, on légalise ces discriminations, on précarise les droits de certaines populations et on remet en question leur existence, comme c’est le cas pour les personnes trans.
Oui, cela se déroule aux Etats-Unis. Mais le monde que Trump est en train de façonner à grands coups de décrets, c’est aussi le nôtre. Toutes les décisions qu’il prend ont des répercussions désastreuses à l’échelle internationale. Le séisme de sa politique a déjà atteint nos côtes.
Mais ce n’est pas une fatalité. Nous avons le pouvoir d’agir, de nous organiser et de refuser cette vision du monde. Continuons d’élever la voix, de militer et de lutter pour les droits de toutes les personnes.
C’était Béatrice, des Dévalideuses pour Divergence FM. A la semaine prochaine !
Diffusion mercredi 5 février 2025 – 10h20 / 17h05
B.Pradillon
