Gisèle, et toutes les autres Divergence
Bonjour et bienvenue dans cette nouvelle saison de “Viens te faire dévalider”, la chronique qui décortique les préjugés et l’actualité autour du genre et du handicap.
Il y a énormément d’actualités en ce moment, mais celle qui me marque entre toutes, celle qui me remue les tripes, c’est l’affaire de Mazan, le procès de Dominique Pélicot et de ses 49 co-accusés. Des hommes monstrueusement ordinaires, de toutes les classes sociales, avec une famille, des amis, un métier. Des hommes comme on en croise chaque jour.
En brisant le huis-clos habituel des procès pour viol, Gisèle Pélicot a permis à la presse, au grand public et au monde entier d’avoir accès à son histoire, et à ses traumatismes. C’était un choix risqué. Elle savait que les moindres détails de son affaire seraient étalés dans les médias, décortiqués durant des mois, que toute sa personne jusqu’à son apparence physique seraient commentés, et que ce procès resterait dans les annales médiatiques et juridiques.
Elle a fait ce choix difficile en toute conscience, pour que la honte change de camp.
Je peine à trouver des mots à la hauteur de mon admiration pour cette femme. Nous sommes des milliers, des millions derrière Gisèle Pélicot. Mais aussi derrière sa fille, Caroline Darian. Nous partageons leur combat contre la soumission chimique et contre les violences sexuelles. Et nous sommes en colère. En colère qu’il faille un tel procès pour interroger les consciences, et pour pointer du doigt tous les ressorts qui alimentent la machine à créer des victimes. Nous n’en finirons pas avec les violences sexistes tant que nous n’aurons pas démonté, pièce par pièce, cette foutue machine.
D’ailleurs, beaucoup disent que ce procès est celui de la culture du viol, un terme utilisé pour qualifier tous les comportements visant à minimiser, normaliser, justifier ou encourager les violences sexuelles. La culture du viol, on nage en plein dedans quand on demande aux victimes comment elles étaient habillées, si elles avaient bu un verre de trop, si elles n’ont pas “des penchants exhibitionnistes”, ou pourquoi elles ont mis des années à porter plainte. On fait même le 400 mètres nage libre quand un des accusés de cette affaire, devant le tribunal, menace de viol des femmes venues soutenir Gisèle Pélicot, sous les yeux des avocats impassibles.
Je rappelle qu’il y a 247 000 victimes de viol ou tentative de viol chaque année en France, dont 88% de femmes. Et 97% des personnes mises en cause dans les affaires de violences sexuelles sont des hommes.
Je m’adresse donc ici à tous les hommes qui m’écoutent ou me lisent. Je sais que vous êtes nombreux à vous dire que vous n’êtes pas de ces hommes là, qu’il ne faut pas tous vous mettre dans le même panier. Mais si vous ne faites rien, si vous n’agissez pas quand la moitié de la population souffre des inégalités et violences commises par les hommes principalement, vous faites partie du problème. Oui, ce ne sont pas tous les hommes. Mais ce sont toutes les femmes. Et aussi les enfants, les minorités de genre, et même parfois les hommes jugés trop “féminins”.
Alors je vous le dis : vous devez faire mieux. Vous devez faire mieux même si vous ne vous sentez pas concerné. Vous devez faire mieux pour votre femme, pour votre copine, pour vos sœurs, pour vos filles, pour vos amies, pour vos collègues, pour vos potes LGBT+. Et quand bien même vous n’auriez personne de concerné dans votre entourage, vous devez quand même faire mieux.
La première étape, c’est d’écouter les femmes quand elles parlent de sexisme, de charge mentale, de harcèlement de rue ou d’inégalités salariales, sans remettre en question, sans minimiser et sans essayer de vous justifier. Pas besoin de dire « mais moi, je suis pas comme ça ».
Essayez de remettre un peu en question vos privilèges, parce que ce système, même si vous n’en avez pas conscience, vous en bénéficiez à tous les niveaux, depuis votre tendre enfance.
Et pour vous aider dans cette démarche, il faut aussi prendre un peu le temps pour s’éduquer. C’est facile : il y a tellement de ressources accessibles sur le sujet. Vous pouvez lire des livres, écouter des podcasts, et même suivre quelques comptes féministes sur les réseaux sans entrer en combustion spontanée, je vous promets.
Et comme je suis sympa je vous propose quelques pistes. Côté lecture, vous pouvez commencer par des essais courts comme King Kong théorie de Virginies Despentes et Nous sommes tous des féministes de Chimamanda Ngozi Adichie. Et approfondir avec des ouvrages comme Le coût de la virilité de Lucie Peytavin, ou Une culture du viol à la française de Valérie Rey-Robert. Côté podcast, il y a bien sûr Les couilles sur la table de Victoire Tuaillon qui interroge les masculinités, Un podcast à soi de Arte Radio, YESSS qui dresse des portraits de femmes badass, ou encore SoupeMiso. Comprendre comment avancer vers plus d’égalité, défaire ses réflexes sexistes, c’est vraiment une démarche continue. Et vous devez le faire vous-même, sans attendre que les femmes vous éduquent.
Et aussi, vous devez ouvrir le dialogue avec les autres hommes de votre entourage. Je sais que ce n’est pas forcément confortable, mais si votre pote ou votre collègue a des propos sexistes, il faut le faire remarquer. Si vous voulez contribuer au changement, vous devez commencer par ne plus tolérer les comportements sexistes autour de vous. Oui même, les blagues douteuses de votre collègue préféré sur la mini-jupe de la stagiaire devant la machine à café. Soyez un modèle de comportement, chez vous, au travail ou en public.
Et enfin, tout simplement, sachez reconnaître vos erreurs.
Changer le monde, on peut y arriver, mais seulement avec vous.
C’était Béatrice, du collectif Les Dévalideuses pour Divergence FM. A la semaine prochaine !
Diffusion mercredi 9 octobre 2024 – 10h20 / 17h05
B.Pradillon