Handicap Invisible

Quand on est handicapé, il est souvent difficile de faire reconnaître son handicap, mais aussi de faire respecter ses capacités et limites. Bizarrement pour la plupart des gens, dire “je suis handicapé” ne suffit pas, il faut encore prouver qu’on est réellement handicapé. Ben oui, c’est bien connu, les gens adorent faire semblant d’être handicapé, c’est tellement gratifiant.nnnC’est ainsi qu’on arrive à des situations, parfois comiques, parfois violentes, en témoigne Armelle, qui tient le blog “Andy and the city”. nnnSamedi midi ordinaire pour le commun des mortels, 13h07, 1er week-end d’automne – humeur calme et tranquille pour entamer cette saison que j’aime beaucoup – parking de Leclerc, Château-Gontier.nnnHé toi, t’es pas handicapée connasse » parce qu’à priori je me tenais debout au niveau de mon coffre (où se trouve mon fauteuil roulant, parce que mon handicap est visible, chanceuse que je suis)… 13h08 le calme et l’apaisement ont disparus et c’est tout mon corps qui s’est mis à trembler (et pour le reste de la matinée) pour leur répondre seule sans témoin « bah si connards », en prenant le risque qu’ils descendent de leur voiture.nnnSi je n’avais rien dit ,je serais repartie avec ma honte et ma colère cristallisées dans mon corps, au moins là j’ai laissé ces émotions sur ce parking je crois, emportant juste ma tristesse… C’est la première fois que ça sort comme ça, et je crois qu’il est temps de ne plus se laisser faire ! Je ne m’étais pas faite insultée depuis bien longtemps, c’est ça notre quotidien, s’estimer chanceux•se quand on ne se fait pas insulter, dévisager, quand notre droit d’exister est accepté par la société…. nnnAlors déjà, j’aimerais revenir sur la notion de handicap “invisible”. Troubles mentaux, troubles dys (comme la dyspraxie), handicaps sensoriels, maladies chroniques, diabète… ils sont nombreux ces handicaps soit-disant invisibles, puisqu’on estime que 80% des handicaps ne sont pas apparents, ou du moins pas directement perceptibles. nnnMais en réalité, cette invisibilité est souvent une excuse pour ne pas voir, pour ne pas prendre en compte. Car nos handicaps “invisibles” ont toujours des répercussions bien visibles. Nous ne fonctionnons pas pareil. Nous avons par exemple besoin de plus de temps pour certaines actions. Nous évitons certains lieux ou certaines situations. Nous sommes dans l’inconfort quotidien, tiraillés entre le besoin de faire reconnaître notre handicap, et celui de le faire oublier à tout prix. L’invisible devient visible quand nous devons lutter dans chaque aspect de notre vie, sociale, amoureuse ou professionnelle. nnnEt les personnes valides peuvent être particulièrement intolérantes avec ces empêchements invisibles. Ils ont besoin de sentir, de voir, de toucher ce handicap pour y croire. nnnEt quand on ne questionne pas l’existence même de notre handicap, les personnes extérieures ont tendance à avoir un avis sur ce que nous sommes capables de faire ou pas. “Hey, tu devrais marcher un peu plutôt qu’utiliser ton fauteuil, ça te fera du bien !” ou encore “Fais un effort, cet exercice n’est pas bien compliqué !”.  nnnPourtant, personne n’est mieux placé que nous pour savoir quelles sont nos capacités et nos limites. Et puis n’oublions pas que les apparences peuvent être trompeuses, car la plupart des personnes handicapées passent leur temps à masquer autant que possible leurs difficultés, afin de s’intégrer du mieux possible dans la société.nnnUne personne avec des douleurs chroniques serrera les dents et endurera la douleur pour pouvoir continuer à suivre ses amis, alors qu’elle sait qu’elle le payera le lendemain. Une personne autiste se fera violence pour ne pas stimmer, c’est-à-dire avoir des mouvements rassurants, lors d’un repas de famille pour ne pas attirer les regards sur elle. De mon côté, je suis sourde depuis l’enfance, et j’ai passé une partie de ma vie à faire semblant d’entendre. Je masque tellement bien que je suis capable de passer une soirée complète avec une personne qui me raconte sa vie, réagir et commenter, en n’entendant qu’un mot sur dix à cause du bruit ambiant. Y a pas que Leonardo Di Caprio qui mériterait un Oscar.  nnnC’est souvent difficile pour une personne handicapée de poser ses limites. Alors écoutez-la et surtout, croyez-la ! Si elle affirme ne pas pouvoir faire une activité, c’est à raison. Et même si elle a déjà pratiqué cette activité par le passé !nnnLe handicap peut parfois être quelque chose de fluctuant. Un jour l’énergie sera là, le lendemain impossible de sortir du lit… L’énergie est donc une ressource limitée avec laquelle nous devons composer au quotidien.nnnC’est ce qu’on appelle la « théorie des cuillères », expression inventée par Christine Miserandino, atteinte de lupus, une maladie chronique invalidante. Afin d’expliquer à une amie comment elle vivait sa maladie au quotidien, elle prit un bouquet de petites cuillères, et lui expliqua que chaque matin, elle démarrait la journée avec une quantité d’énergie limitée. Elle l’invita ensuite à imaginer une journée ordinaire, où chaque geste, même anodin, lui coûterait. Téléphoner, 1 cuillère. Un shampoing, 3 cuillères ! Faire ses courses, 6 cuillères. Le soir, elle n’avait plus qu’une seule cuillère et devait choisir entre cuisiner, ou lire un livre pour se détendre.nnnCette histoire résonne instinctivement chez beaucoup de personnes handicapées et malades qui connaissent ce quotidien, fait de gestion de son énergie, de ses douleurs, pour sélectionner leurs priorités. Alors, quand on vous dit qu’on ne peut pas, n’insistez pas.nnnMais attention, l’inverse est tout aussi vrai : lorsqu’on veut faire quelque chose, faites-nous confiance sans nous surprotéger ! Parfois, on a juste besoin de faire certaines choses, de se surpasser, quitte à être épuisés ensuite. Et votre soutien nous est précieux.nnnC’était Béatrice, pour “Viens te faire dévalider”. A la semaine prochaine !nnnnnnDiffusion mercredi 28 septembre 2022 – 10H20 / 17h05nnnnnB.Pradillon« 

SociétéViens te faire dévalider