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Société

Touche pas à mon RSA

today30/05/2023 5

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    Touche pas à mon RSA Divergence


Il faut croire que ce gouvernement a un goût inné pour la provocation. Car en plein débat sur les retraites, alors que tout internet se passionne pour les “Intervilles du zbeul” qui consistent à accueillir les membres du gouvernement avec des casseroles dans chacun de leurs déplacements, le gouvernement Macron a décidé d’annoncer une nouvelle réforme impopulaire.

Il y a deux semaines, Élisabeth Borne a confirmé que le versement du RSA serait bientôt conditionné à 15 à 20h de travail hebdomadaire. Alors ce n’est pas vraiment nouveau puisque le dispositif a été expérimenté dans une vingtaine de départements, mais il est désormais acté que la réforme sera débattue cet été. Connaissant la propension du gouvernement Macron au dialogue social, j’imagine que le “débat” sera vite bouclé.

Alors, en quoi consiste ce travail hebdomadaire obligatoire ? Pour faire joli, on appelle ça un “accompagnement à l’emploi”. Bien sûr on se défend de vouloir faire travailler gratuitement hors de tout cadre légal, alors on parle d’immersion et formation en entreprise, de démarche sociale accompagnée, d’ateliers collectifs, d’activités citoyennes, et même d’accompagnement à la création d’entreprise. Mais bon, on n’est pas là pour faire de l’humanitaire non plus ! Élisabeth Borne a donc évoqué des sanctions pour ceux et celles qui refuseraient le parcours proposé. Elle précise qu’avant de sanctionner, ils évalueront quand même les « freins périphériques » empêchant le retour à l’emploi, comme la garde d’enfants. C’est vraiment trop sympa.

Cette réforme du RSA intervient dans le cadre de la transformation de Pôle Emploi en France Travail, qui, comme son nom l’indique, risque de nous faire replonger 50 ans en arrière.

Il va donc falloir travailler gratuitement pour espérer percevoir le Revenu de Solidarité Active. Je rappelle que le montant 2023 est de 607€ pour une personne seule, 911€ pour un couple ou encore 1276€ pour un couple avec deux enfants. Bien sûr, ces aides peuvent se cumuler avec d’autres, comme l’aide au logement. Mais franchement, je vous défie d’essayer de vivre en couple avec 900€ par mois. Je vous parle de vivre, et non d’essayer de survivre en sautant des repas et en comptant chaque sous. Je sais que ça peut paraître perturbant comme façon de penser, mais non, les personnes pauvres ne sont pas censées se contenter des miettes qu’on leur donne, elles ont le droit de vivre convenablement, c’est même écrit dans notre Constitution depuis 1946.

Le RSA est un minima social. C’est le minimum qu’on donne aux gens pour qu’ils ne finissent pas dans la rue. Conditionner le RSA à un minimum d’activité, c’est faire la chasse aux pauvres. Leur signifier que leur existence même est soumise à condition. C’est d’une violence sans nom.

Cela fait plus de 20 ans qu’on nous prépare à cette réforme. Qu’on nous martèle sans arrêt dans les médias que les personnes qui vivent avec les minimas sociaux sont des profiteurs et des fainéants, qu’ils abusent du système, qu’ils fraudent ou cumulent les aides pour se payer des écrans plats et des vacances auxquels les pauvres travailleurs au SMIC n’ont pas accès. On alimente le mythe de l’assistanat. Et ce faisant, on oppose les pauvres entre eux. On dit aux smicards : “Regardez ces gens au RSA qui vivent mieux que vous !” pour mieux justifier le durcissement des contrôles ou des règles d’accès aux aides.

Et on oublie de dire que le montant des aides non allouées est plus important que le montant estimé des fraudes aux allocations.Un tiers des personnes éligibles au RSA renoncent à leurs droits, que ce soit par méconnaissance du système ou parce que les formalités administratives sont trop contraignantes et compliquées. Et puis honnêtement, si c’est pour être sans arrêt suspecté de profiter du système ou de frauder, je comprends que certains n’aient juste pas envie de signer.

Moi, j’aimerais vous parler de ceux et celles qui vivent au RSA à défaut d’avoir obtenu d’autres aides plus adaptées. Je pense notamment à toutes les personnes handicapées ou malades chroniques qui sont en attente d’un diagnostic, en attente d’une réponse de la MDPH, ou dont l’état n’a pas été reconnu officiellement comme assez handicapant. Trop handicapé pour arriver à garder un emploi, mais pas assez aux yeux de la MDPH pour percevoir l’AAH. Ils représentent environ 20% des allocataires d’après une étude de 2006. Le gouvernement prétend que l’état de santé sera pris en compte dans le nouveau dispositif. Mais si ce même état de santé n’a pas encore été reconnu par la MDPH ou les médecins, on fait comment ? Je pense par exemple aux personnes atteintes de covid long, qui cumulent différents symptômes handicapants comme une énorme fatigue, et qui ne sont souvent pas diagnostiqués correctement.

Il existe tellement de cas particuliers pour lesquels le retour à l’emploi n’est simplement pas possible. Comme les aidants familiaux qui s’occupent d’une personne âgée ou handicapée à temps complet. Du point de vue administratif, toutes ces personnes sont dans une zone grise. Et le RSA est alors souvent la seule solution pour survivre.

Le versement du RSA est déjà conditionné à des dispositifs d’insertion. Les allocataires sont déjà étroitement surveillés. En imposant des activités obligatoires, le gouvernement va simplement augmenter le nombre de radiations, et décourager encore plus ceux et celles qui auraient droit au RSA d’en faire la demande.

Pour citer Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde, “la solidarité nationale ne se marchande pas”. Nous devons aider ceux et celles qui n’ont pas d’autres ressources pour survivre, et pour ça, nous devons sortir de cette logique de défiance envers les bénéficiaires de minimas sociaux. Nous ne lutterons pas contre la pauvreté en fliquant les pauvres, mais en défendant nos droits fondamentaux comme l’accès à l’éducation, aux soins, et au logement pour tous.

Pour finir, j’espère qu’un jour nous verrons à la tv plus de reportages sur l’évasion fiscale que sur la fraude aux allocations. Histoire de stigmatiser un peu les riches aussi pour changer.

C’était Béatrice, pour “Viens te faire dévalider”. A la semaine prochaine !


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