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Société

Tenue correcte exigée

today21/02/2023 30

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« Tenue d’hiver d’une députée. On redoute l’été… » C’est en ces termes qu’Alain Jakubowicz s’est permis de critiquer la tenue de la député insoumise Ersilia Soudais à l’Assemblée nationale. Avec pour preuve irréfutable une photo en gros plan de la tenue épinglée par la fashion police.

On pourrait croire qu’Alain n’est qu’un énième boomer de droite qui s’amuse à décrédibiliser les élus de gauche sur n’importe quel prétexte. Mais non. Alain est avocat. Alain est aussi, excusez-moi du peu, Président d’honneur de la Licra, qui est je le rappelle une association de lutte contre le racisme et l’antisémitiste. Alain est donc parfaitement au courant de ce qu’est une discrimination, ou de l’importance des mots dans la sphère politique et médiatique.

Bien entendu, de nombreuses personnalités politiques ont relevé son message, lui indiquant qu’il était complètement inapproprié. Mais Alain a enfoncé le clou, répondant par exemple à Rachel Garrido : « La façon dont vos ami.e.s […] s’accoutrent et se comportent à l’Assemblée est indigne du lieu où vous siégez et des Français que vous êtes censés représenter. »

Cette histoire n’est pas sans rappeler l’épisode du maillot de foot de François Ruffin, qui avait écopé de plus de 1 300 € d’amende, soit l’intégralité de son indemnité mensuelle, pour son “extravagance vestimentaire”. Il portait le maillot en question pour défendre une proposition de loi pour taxer les gros transferts dans le foot.

Pour les dinosaures de la politique, il existe donc des codes à respecter dès lors qu’on s’approche des hautes sphères du pouvoir. Des codes issus de cette bourgeoisie qui a toujours dominé l’échiquier politique. Des codes inculqués souvent dès le plus jeune âge. Et oui, on n’oublie pas que 19 des 43 ministres du gouvernement Macron sont millionnaires, d’après la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique. Millionaire. On ne parle pas de fortunes qui peuvent s’acquérir au cours d’une seule vie, mais de gens nés dans la bourgeoisie, qui ont profité de tous les privilèges de leur rang pour parvenir là où ils en sont.

Il n’y a pas de mystère, il a toujours été plus facile d’accéder au pouvoir quand on vient de la haute que lorsqu’on vient de la rue. Il y a donc un mépris de classe évident, exercé par les représentants politiques issus de la bourgeoisie, envers ceux et celles qui trahiraient les codes bourgeois imposés. Et les nouveaux représentants élus en font les frais, surtout à gauche bien sûr. Et oui, eux n’ont pas fait l’ENA, et ne portent pas de costumes haut de gamme. Ils sont chauffeur de taxi comme Sébastien Delogu, femme de ménage comme Rachel Kéké, ou ouvrière agricole comme Mathilde Hignet. Des métiers du commun, qu’on n’a pas l’habitude de voir à l’Assemblée Nationale.

C’est marrant, je suis persuadée qu’on représente mieux les français quand on vit comme la majorité d’entre eux, plutôt que lorsqu’on porte une cravate. Mais bon.

Derrière le mépris de classe d’Alain, il y aussi le sexisme, comme souvent.

Ce n’est que récemment dans l’Histoire que les femmes ont pu accéder aux sphères de pouvoir, et qu’elles ont ainsi été autorisées à exprimer publiquement leur voix. Il y a bien sûr eu des reines et dirigeantes célèbres par le passé, mais elles étaient toujours l’exception. En France, la première femme ministre a été nommée en 1947. Et Édith Cresson, la première femme a diriger un gouvernement, c’était en 1991. C’est pas vieux tout ça !

Et bien sûr, les femmes paient les conséquences de leur arrivée tardive dans les cercles de pouvoir dominés par les hommes. Quel que soit leur parti politique, leur expérience ou leurs compétences, elles sont davantage visées par les critiques et les insultes que leurs confrères masculins. Il n’y a qu’à voir le harcèlement massif subi par Sandrine Rousseau à chacune de ses sorties. Un harcèlement d’autant plus conséquent qu’elle à l’outrecuidance de porter un discours féministe et écolo plutôt radical.

Et quand on ne les juge pas sur leurs idées ou leurs compétences intellectuelles supposées, les femmes politiques sont attaquées sur leur physique : leur voix, leur coiffure, ou leur tenue. En 2012, la robe à fleurs bleues de Cécile Duflot, ministre du Logement et de l’Egalité des territoires, lui a ainsi valu sifflets et réflexions alors qu’elle s’apprêtait à prendre la parole. On se souvient aussi des caquètements moqueurs, adressées à la députée écolo Véronique Massonneau au sein de l’Assemblée.

Bien sûr, les personnes qui interpellent ainsi les femmes politiques se défendront toujours d’être sexistes, prétextant qu’ils traiteraient pareil un homologue masculin. Mais il n’est pas difficile de voir les biais sexistes qui sous-tendent ces critiques, quand les femmes sont traitées de folles, d’hystériques, de frustrées, quand on les décrédibilise sur la base de leur apparence, ou quand la violence verbale s’accompagne de harcèlement et d’agressions sexuelles dans les coulisses, comme dans l’affaire Baupin.

Comme le dit l’autrice Mary Beard dans son essai “Les femmes et le pouvoir”, “les femmes, quand elles ne sont pas réduites au silence, doivent encore payer un prix très élevé pour être entendues”.

Alors continuons d’élire des femmes, mais aussi des représentants politiques ouvriers, manutentionnaires, infirmiers, caissiers, coiffeur ou maçons, pour secouer un peu cet ancien monde poussiéreux.

C’était Béatrice, de l’association Les Dévalideuses. A la semaine prochaine !

 

 

Diffusion mercredi 22 février 2023 – 10h20 / 17h05

 

B.Pradillon


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