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Société

Plongée en eaux masculinistes

today19/06/2024 22

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    Plongée en eaux masculinistes Divergence


Bonjour et bienvenue dans “Viens te faire dévalider”, la chronique qui décortique les préjugés et l’actualité autour du genre et du handicap.

Au milieu du chaos politique et médiatique dans lequel nous nous trouvons, j’aimerais revenir sur une information qui a failli passer inaperçue, et qui doit selon moi nous éclairer sur le vrai visage de l’extrême-droite.

Un homme de 26 ans, Alex, a été interpellé le 21 mai dernier en Gironde. Il projetait une “tuerie de masse” lors du passage de la flamme Olympique. À quelques semaines seulement des Jeux Olympiques, cette information aurait dû faire la Une des médias et secouer toute la classe politique, à commencer par l’extrême-droite. La sécurité normalement, c’est un peu leur cheval de bataille.

Mais l’homme n’a pas le profil idéal : blanc, masculiniste, c’est un admirateur d’Elliott Rodger, cet américain du mouvement « incel » qui a tué six personnes et blessé quatorze autres avant de se suicider en 2014.

Les incels sont des hommes, généralement jeunes, qui ont transformé leur célibat forcé en haine des femmes : elles sont décrites comme menteuses, profiteuses, castratrices, manipulatrices, ou encore instables psychologiquement. Parce qu’elles ne veulent pas d’eux, elles sont forcément fautives, et doivent souffrir en retour. D’ailleurs, dans sa dernière vidéo, Elliott Rodger disait “si je ne peux pas vous avoir les filles, je vous détruirai”. Il serait dangereux de sous-estimer le mouvement en le réduisant à quelques ados frustrés. Ils sont des centaines de milliers à travers le monde, et leur idéologie a déjà fait de nombreuses victimes.

Mais le masculinisme a différents visages. Ces dernières années, ce sont les “mâles Alpha” qui font parler d’eux. Sous prétexte de vouloir retrouver leur vraie nature dominante, ces auto-proclamés mâles Alpha tracent les lignes d’une masculinité hyper toxique, à grand renfort de conseils de drague frisant sans cesse avec l’incitation au viol.

Pour l’anecdote, dans “Les grandes oubliées”, Titiou Lecoq explique que cette théorie du mâle Alpha a été popularisée par le biologiste David Mech dans les années 70. A la base, il était question de “couple Alpha” dans les meutes de loups. Bien sûr, la femelle est vite passée aux oubliettes. En 1999, David Mech revient sur sa propre théorie, il admet qu’il s’est complètement planté. Mais peu importe, les chantres du masculinisme continuent de justifier leur misogynie par des arguments pseudo scientifiques, comme si la domination de l’homme sur la femme avait une justification biologique et “naturelle”.

Contrairement aux incels qui ont tendance à se victimiser, ces “mâles Alpha” versent dans une masculinité triomphante. Ils organisent des camps pour aider les hommes à retrouver leur virilité perdue et “reprendre le pouvoir”. Derrière ces boy’s club gonflés à la testostérone, il y a toujours le mépris et la haine des femmes.

J’ai regardé le documentaire “Mascus : Infiltration chez les hommes quidétestent les femmes” réalisé par France TV, et honnêtement c’est glaçant. Leur discours est dangereux parce qu’il contribue à diffuser des arguments misogynes extrêmement délétères bien au-delà du cercle de leurs adeptes.

Après #MeToo, je pensais que la jeune génération serait plus sensibilisée aux questions d’égalité, de consentement ou de charge mentale. Et pourtant, un quart des moins de 35 ans pensent qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter. Ils sont aussi de plus en plus nombreux à tenir des propos ouvertement sexistes. La misogynie sous toutes ses formes explose, aussi bien derrière les murs que sur les réseaux.

On vit une période de backlash. A chaque fois dans l’Histoire que les femmes gagnent un peu de terrain, elles connaissent derrière un retour de bâton, souvent par le biais d’une restriction de leurs droits. Ce backlash, il sera plus fort que jamais si l’extrême-droite parvient au pouvoir. L’extrême droite, malgré ses représentantes féminines, n’a jamais été du côté des droits des femmes, et ne le sera jamais.

Les élu.e.s d’extrême-droite et du Rassemblement National en particulier font parti des principaux opposants aux droits à l’avortement. Ils ont voté contre une résolution prévoyant des formations contre le harcèlement sexuel au sein des institutions de l’Union européenne. Ils ont refusé de voter la Convention d’Istanbul qui vise à lutter contre la violence à l’égard des femmes. Ils se sont encore abstenus à propos d’une Directive européenne sur l’égalité salariale. Ils ont voté contre une meilleure prise en charge des soins liés au cancer du sein. Jordan Bardella prétend défendre la “liberté de s’habiller comme on l’entend”, dans une vidéo adressée aux femmes et publiée ce lundi. Alors que l’extrême-droite est la première à attiser la haine en débattant sans fin sur le voile, le burkini, l’abaya, la longueur de la jupe, contribuant ainsi à stigmatiser de très nombreuses femmes.

Leurs élans féministes sont des postures électorales vides de sens. Pire, ils instrumentalisent les luttes féministes pour justifier leur politique migratoire raciste, ignorant délibérément le fait que les violences sexistes et sexuelles concernent tous les milieux, toutes les classes sociales, sans distinction de couleur de peau, d’origine ou de religion.

Les mouvements masculinistes trouvent un écho parfait dans les idées et valeurs d’extrême-droite ; ils versent dans les mêmes théories racistes et antisémites. Ainsi, les incels pensent que s’ils n’arrivent pas à pécho, c’est à cause des hommes issus de l’immigration, qui seraient plus séduisants qu’eux.

J’ai le sentiment d’enfoncer les portes ouvertes. Et pourtant, si le Rassemblement National est aujourd’hui aux portes du pouvoir, c’est parce qu’une grande partie des électeurs et électrices se sont laissés séduire par la nouvelle image et les promesses du parti. Il faut donc continuer à décortiquer, critiquer et réfuter sans relâche, morceau après morceau, la fable qu’ils nous servent.

C’était Béatrice, du collectif Les Dévalideuses pour Divergence FM. A la semaine prochaine

 

Diffusion mercredi 19 juin 2024 – 10h20 / 17h05

 

B.Pradillon


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