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Société

Match retour contre le validisme

today12/10/2023 39 1

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    Match retour contre le validisme Divergence


La dernière fois, je vous parlais des annonces gouvernementales pour accélérer l’accessibilité des infrastructures, transports et services à moins d’un an des JO. Aujourd’hui, permettez-moi d’en remettre une couche ! Et oui, c’est pas tous les jours que les personnes handicapées sont mises à l’honneur comme ça. D’habitude on est plutôt discrets : si vous voyez plus d’une personne handicapée à la fois à la télé c’est que vous êtes devant le Téléthon. Alors cette petite fenêtre médiatique, il faut en profiter ! Il faut l’exploiter, l’agrandir, parce que c’est tellement rare qu’on nous tende le micro, qu’on s’intéresse un peu à nos problèmes.

Ce dimanche 8 octobre, il y avait donc une journée paralympique organisée place de la République à Paris. Un rassemblement destiné à donner, je cite “un avant-goût spectaculaire, populaire et festif des Jeux Paralympiques”. Emmanuel Macron en personne est venu prendre part à la fête, en s’essayant au basket fauteuil. Ha oui, on a-do-re voir des personnes valides faire semblant d’être handicapée pendant 5 min, quel bel exemple de solidarité.

Pendant que notre cher Président essayait de mettre un panier, de leur côté des membres des Dévalideuses et du collectif de football féminin Les Dégommeuses se frayaient discrètement un chemin vers la place. Déjouant la sécurité, elles sont parvenues à se faufiler au cœur de l’événement pour dérouler une magnifique banderole de 10 mètres de long avec pour message : « La France, médaille d’or du validisme”.

Un geste symbolique pour attirer l’attention sur les multiples discriminations vécues par les personnes handicapées. Pour la petite histoire, elles ont ensuite tenté de faire dédicacer leurs pancartes par des athlètes paralympiques présents sur place, mais elles ont été expulsées sans ménagement par le service de sécurité, malgré le fait que leur action se soit déroulée dans le calme et sous les applaudissements des passants.

Voici la tribune que nous avons rédigée à cette occasion.

Oui, les champion·nes paralympiques sont des athlètes admirables.

On a hâte de les admirer pour leurs performances, leur détermination, leurs médailles.
On a hâte de les admirer exactement comme on admire les champion·nes olympiques. Avec le même enthousiasme populaire, et pour les mêmes raisons : leurs exploits sportifs.

Mais nous, personnes handicapées, savons aussi que les champion·nes paralympiques doivent surmonter bien plus d’obstacles que leurs homologues valides pour atteindre le haut niveau. Car ils doivent avant tout lutter pour atteindre, simplement, le droit à exister en tant que citoyen·nes dans une société profondément validiste, une société qui discrimine et exclut les personnes handicapées en raison de leur handicap – qu’il s’agisse d’un·e Paralympien·ne ou de madame ou monsieur Tout-le-monde.

Même les champion·nes aiment les ascenseurs.

Après des mois d’efforts et de sacrifices pour décrocher une qualification, il serait bien dommage que les sélections nationales du monde entier ne puissent rallier le Village Paralympique et restent coincées à l’aéroport, faute de transports en commun accessibles. Et pourtant.
Avec 93% des stations de métro inaccessibles, et 60% des lignes non-vocalisées, avec une offre de logements accessibles – temporaires et permanents – pratiquement inexistante, avec seulement 3% des sites web accessibles, avec l’éternelle non-application des lois françaises et européennes, permettez-nous d’être sceptiques quant à la devise olympique “l’important, c’est de participer”.

Même les champion·nes ont besoin d’une école inclusive.

Comment imaginer porter les couleurs de son pays dans des compétitions internationales, quand dès l’enfance, on est assigné à une place subalterne, enfermé dans des établissements dits spécialisés de relégation, privé du statut d’élève, privé de vie familiale, privé de ses droits humains les plus élémentaires ?

Même les champion·nes ont besoin de soins de qualité et accessibles

(et pas seulement pour se remettre d’une blessure sportive).

La destruction méthodique de la sécurité sociale et de l’hôpital public, le non remboursement de soins et d’aides techniques, les difficultés chroniques de recrutement de travailleuses de la santé et de l’aide à la personne, les cabinets médicaux inaccessibles, montrent bien le peu d’intérêt politique porté aux personnes handicapées et malades. N’oubliez pas que vous n’êtes qu’à un accident près de venir grossir nos rangs.

Même les champion·nes souhaitent échapper au Covid.

Parce qu’il nuit à la performance sportive, évidemment, mais surtout parce qu’il nuit à la vie tout court.
Les vagues successives de covid aigu viennent mettre à terre un système hospitalier déjà à genoux. Le déni du covid long et de ses conséquences à grande échelle détruit des vies aujourd’hui et fabrique les personnes handicapées de demain.
L’abandon de toutes mesures sanitaires relevant de la protection des populations n’est que le reflet de politiques de santé publique eugénistes.

Même les champion·nes subissent des violences sexuelles.

Dans le sport évidemment, mais aussi hors des terrains.
Quand les points d’accès au droit et les foyers d’accueil d’urgence sont inaccessibles, quand nos paroles sont sans cesse décrédibilisées, quand nous sommes placées par la justice sous la tutelle de nos abuseurs, comment faire, nous aussi, pour faire entendre un “Se Acabó” handiféministe ?

Les champion.nes paralympiques vous inspirent ? Alors, qu’iels vous inspirent des politiques publiques et des moyens à la hauteur de nos existences !

“Dépasser nos handicaps”, non merci.

Mais pour surmonter le validisme la route est longue, et nous ne laisserons pas les opérations de communication autour des Jeux Paralympiques effacer l’urgence de nos luttes.

C’était Béatrice, pour “Viens te faire dévalider”. A la semaine prochaine !

 

 

Diffusion mercredi 11 octobre 2023 – 10h20 / 17h05

 

B.Pradillon


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