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Société

Le Plan école 2030

today03/05/2023 6

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    Le Plan école 2030 Divergence


Depuis que je tiens cette chronique, je n’ai pas souvent l’occasion de vous faire part de bonnes nouvelles. Il faut dire qu’elles sont plutôt rares sur le plan du handicap, de l’égalité des genres et de la lutte contre les discriminations. C’est donc avec un plaisir immense que j’ai découvert le Plan école 2030 de Montpellier Métropole.

Si vous habitez la métropole, vous avez sûrement reçu le fascicule présentant le projet dans votre boîte aux lettres, et vous avez peut-être même participé à la concertation en amont. En résumé, Montpellier Métropole va investir 400 millions d’euros pour construire, rénover et adapter les écoles. Ce plan ambitieux prévoit de construire 5 groupes scolaires, de réaliser 4 extensions et de reconstruire entièrement 7 autres établissements. C’est le cas par exemple du groupe scolaire Mermoz – Vasco De Gama, qui, à cause de sa structure métallique, est une véritable passoire thermique. Dans une pétition qui circulait en 2020, les parents et enseignants inquiets faisaient état de malaises, nausées et saignements chez les enfants et les adultes à cause des températures infernales de juin à septembre : jusqu’à 38°C l’après-midi dans les dortoirs des maternelles. Il faudra encore attendre 2027 pour la reconstruction du groupe scolaire, mais c’est quand même une victoire pour les habitants du quartier et l’équipe pédagogique qui réclament des mesures depuis plusieurs années.

Parmi les autres axes du projet, la métropole prévoit de transformer certaines cantines en self service pour favoriser l’autonomie et éviter le gaspillage alimentaire, de végétaliser certaines cours d’école ou encore d’améliorer la mobilité autour des écoles. Enfin, 52 bâtiments scolaires vont être rénovés pour améliorer le confort thermique et la sobriété énergétique.

Mais la vraie petite révolution de ce projet, c’est ça : la métropole a pour ambition d’adapter les installations afin de tendre vers les 100% de groupes scolaires accessibles à tous. Cela implique entre autres l’installation systématique de rampes ou ascenseurs, l’aménagement des sanitaires, l’amélioration de l’accès et de la circulation au sein des bâtiments… C’est une excellente nouvelle n’est-ce pas ?

Et pourtant, on ne devrait pas se réjouir, ça devrait être la norme ! La loi handicap du 11 février 2005 indiquait que les établissements recevant du public, comme les écoles, avaient jusqu’au 1er janvier 2015 pour se rendre accessibles à tous les types de handicap.

Mais ça, c’est la théorie. En réalité, la majorité des écoles construites avant cette loi n’avaient pas intégré l’accessibilité dans leur cahier des charges. Et comme il est toujours plus difficile et coûteux d’adapter les bâtiments déjà construits, les règles d’accessibilité sont plus souples pour les ERP existants. Et les travaux nécessaires sont souvent remis à plus tard. L’Etat fournit même des excuses pour déroger à la loi, lorsque le coût des travaux est trop important, lorsqu’il existe des exigences techniques ou des contraintes liées à la conservation du patrimoine. Débrouillez-vous les handicapés, on va quand même pas défigurer notre belle architecture pour que vous puissiez vous déplacer !

Plein de bonne volonté, beaucoup d’établissements scolaires essaient quand même d’améliorer les choses, en ajoutant une petite rampe à l’entrée et en bricolant des toilettes accessibles. Mais si le bâtiment n’a pas été conçu selon les normes dès le départ, autant vous dire qu’une fois passé l’entrée, ça peut vite devenir une épreuve de Koh Lanta. Les obstacles à la circulation sont partout, les portes sont trop lourdes ou trop étroites, les toilettes PMR sont peu nombreuses et mal conçues, les revêtements au sol ne sont pas adaptés, les poignées, interrupteurs et comptoirs sont trop hauts…

Parfois, l’accessibilité est présente mais de façon “maladroite”. Par exemple, les personnes en fauteuil roulant peuvent entrer dans le bâtiment, mais par la porte de derrière, où on accède par une petite ruelle en passant devant le local à poubelles. Ce n’est pas normal. Les conditions d’accès des personnes handicapées doivent être les mêmes que celles des autres publics ou, à défaut, présenter une qualité d’usage équivalente.

D’autant que lorsqu’on pense à l’accessibilité, on pense principalement aux personnes atteintes de handicap moteur. Mais bien souvent, rien n’est prévu pour les autres familles de handicaps, comme les handicaps sensoriels, auditif et visuel, les handicaps mentaux, cognitif et psychique. Par exemple, pour les personnes avec des handicaps auditifs, il faut doubler toute information sonore par une information visuelle. Pour les personnes malvoyantes ou aveugles, c’est l’inverse ! Il faut aussi prévoir un système de guidage visuel et tactile, comme des bandes rugueuses au sol pour faciliter la circulation. Il faut signaler correctement les obstacles, parties vitrées ou marches isolées. Pour les personnes neuroatypiques, il faut prêter attention aux lumières trop vives et aux sons violents, prévoir des zones calmes et des endroits pour s’asseoir.

Ce ne sont que des exemples, mais vous comprenez que la mise en accessibilité d’un bâtiment existant, ça n’est pas si simple que ça. Il faut souvent repenser complètement les accès, la circulation, la communication et les usages.

Je n’ai pas réussi à trouver beaucoup de détails sur les mesures d’accessibilité qui seront mises en place dans le Plan école 2030, mais j’ose espérer que la métropole a prévu davantage que quelques rampes et des toilettes plus larges.

Enfin, on adore parler d’école inclusive, mais la réelle inclusion, ce n’est pas seulement l’accessibilité des transports et bâtiments scolaires. Il faut aller au-delà. Il faut notamment former, à la fois les personnes qui décident, comme les élus, mais aussi les personnes qui encadrent les élèves handicapés, comme les enseignants, ATSEM et AESH. La plupart des professionnels qui travaillent au contact des personnes handicapées n’ont jamais entendu parler de validisme et ignorent tout des recommandations de l’ONU en matière de handicap. Et cette méconnaissance des concepts et des enjeux contribue à perpétuer des biais validistes qui nous pourrissent l’existence.

Je lance donc un appel aux élus de Montpellier Métropole et en premier lieu à M. Delafosse. Si vous voulez vraiment rendre les écoles de la métropole accessibles, n’oubliez pas de former toutes les parties prenantes de ce projet.

C’était Béatrice, pour “Viens te faire dévalider” ! A la semaine prochaine.

 

 

Diffusion mercredi 3 mai 2023 – 10h20 / 17h05

 

B.Pradillon


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