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Société

La ménopause

today02/11/2023 30

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    La ménopause Divergence


Le 18 octobre c’était la journée de la ménopause. A cette occasion, nous avons pu constater que le sujet est toujours aussi mal traité dans les médias. Ainsi chez Cnews, Pascal Praud a réussi l’exploit d’en débattre avec un plateau exclusivement masculin. Forcément, avec un panel aussi objectif, on a eu droit à des échanges absolument lunaires sur l’impact de la ménopause… sur la vie conjugale, le mari, les enfants, bref sur tous ceux qui ne sont pas directement concernés. On adore.

Je ne sais pas si c’est l’approche de la quarantaine, mais j’ai voulu me renseigner un peu plus sur la ménopause, ses conséquences et ses représentations. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la ménopause est rarement abordée de façon positive.

En fait, c’est simple. Soit nous avons un utérus jeune et productif, nous sommes considérées comme socialement “désirables” et la société tient absolument à contrôler ce que l’on fait de nos corps. Il n’y a qu’à voir les barrières que rencontrent les femmes qui souhaitent avorter ou se faire ligaturer les trompes ! Soit notre utérus n’est plus productif, et on est carrément mises au rebut, périmées, reléguées au rang d’indésirable au sens propre du terme. Encore pire : si vous avez l’âge d’être productive, mais que vous êtes visiblement handicapée, ou que vous n’avez pas d’utérus, alors là vous n’êtes même pas considérées comme de vraies femmes.

Vous me trouvez peut-être injuste. Mais il n’y a qu’à voir du côté des acteurs. Plus ils vieillissent, et plus ils ont des partenaires jeunes, à la vie comme à l’écran. Elles ont en moyenne 10 à 20 ans de moins que leur homologue masculin. Au point que l’inverse détonne : un acteur mûr qui s’affiche avec une femme de son âge, ou pire, qui aurait l’audace de faire son âge, cela frise la faute de goût ! On en a d’ailleurs parlé à l’occasion de la sortie du film Eiffel. Emma Mackey, l’actrice castée pour donner la réplique à Romain Duris, a 22 ans de moins que lui. Pourtant dans la vraie vie, Gustave Eiffel n’avait “que” douze ans d’écart avec son amour de jeunesse.

Cette propension à préférer les jeunes femmes n’est pas simplement sexiste et injuste. C’est aussi une manière d’invisibiliser les femmes vieillissantes dans la société. Pendant qu’on s’extasie sur ces hommes qui se bonifient en prenant de l’âge (bonjour Brad Pitt et George Clooney), les femmes sont mises à l’écart dès les premières rides. Rares sont celles qui arrivent à sortir du lot, à rester sur le devant de la scène passé 40 ans.

Cette manière de traiter les femmes alimente bien sûr le marché du rajeunissement. Puisqu’on ne veut pas nous voir vieillir, les femmes sont toujours plus nombreuses à recourir à la chirurgie, masques UV et autres gadgets censés reculer l’inévitable. On met du botox avant même d’avoir 30 ans de peur de voir s’installer les premières rides.

Il est certain que ce jeunisme ambiant n’aide pas à accepter la ménopause comme une étape normale dans la vie d’une femme.

Dans son dernier ouvrage intitulé “Vieille peau”, Fiona Schimdt, note qu’il coexiste trois discours majoritaires autour de la ménopause : le premier consiste à dénigrer ouvertement […]. Le deuxième, tenu par la plupart des expert.e.s et représentant.e.s du corps médical, traite la ménopause comme une maladie dont les “symptômes” requièrent des “traitements” toujours plus miraculeux, tandis que le troisième, de plus en plus en vogue sur les réseaux et médias féminins, invite les concernées à “bien vivre”, voire carrément à “réussir” leur ménopause, comme si c’était un examen ou une compétition à laquelle on était susceptible d’échouer.

Dans ces conditions, comment envisager sereinement la ménopause ? Le sujet est entouré de tellement de honte et d’injonctions contradictoires que les femmes, même entre elles, n’en parlent que très peu. Remarquez, on ne parle pas beaucoup plus de l’andropause, qui est l’équivalent masculin. Mais l’andropause est beaucoup plus progressive et bien moins symptomatique. La fonction reproductive ne disparaît pas subitement. Et l’impact social n’est clairement pas le même.

Pour essayer de briser le silence sur le sujet, Fiona Schmidt a fait un appel à témoignages sur son compte Instagram. Voici l’une des réponses qu’elle a reçue. “Je crois que la ménopause m’a achevée, genre le summum d’une vie de merde. Car une vie de femme c’est globalement une vie de merde. Les règles douloureuses, les grossesses épuisantes, les accouchements difficiles, les carrières hachées, la charge mentale… Alors la ménopause et son cortège de désagréments, pour rester polie, c’est une grosse cerise pas mûre sur un gâteau pourri. Les bouffées de chaleur (si un homme en avait c’est sûr qu’il y aurait un remède autre que de prendre des hormones), les nuits à se réveiller trempée au point de changer les draps, les nuits de merde, donc, la fatigue, la prise de poids […], les crises de déprime, et j’en passe, sinon je vais pleurer.”

Heureusement, toutes les femmes n’ont pas le même vécu. Certaines le vivent plutôt sereinement, voir l’envisagent comme une libération. Fini les règles, les fuites, les tampons ou coupe menstruelle, les contraceptifs hormonaux et leur liste d’effets secondaires, les migraines ou douleurs associées… Et puis, ne plus être socialement « désirable », dans une société où les femmes sont soumises à tellement d’injonctions, ne serait-ce pas une manière de se soustraire partiellement à ces injonctions ? De vivre selon ses propres règles, sans mauvais jeu de mot ?

Le vieillissement de nos corps, tous ces bouleversements internes et externes, ne devraient jamais être source de honte. Pas plus à 15 ans qu’à 50 ans. Et je remercie profondément toutes les féministes qui en parlent, qui contribuent à faire de la ménopause un vrai sujet.

Si vous voulez en savoir plus, je vous invite vivement à lire “Vieille peau” de Fiona Schmidt, ou “Bouffées de chaleur : briser le tabou de la ménopause” de Miriam Stein.

C’était Béatrice, pour “Viens te faire dévalider”. A la semaine prochaine !

 

 

Diffusion mercredi 1 novembre 2023 – 10h20 / 17h05

 

B.Pradillon


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