La guerre technologique prend de plus en plus un tournant politique Divergence
Revenons avec des extraits d’un article de Romaric GODIN publié pour Médiapart le 19 septembre.
Il s’agît d’une analyse effrayante de la guerre actuelle entre le Brésil et le réseau X d’Elon Musk anciennement Twitter, ce drôle d’oiseau devenu de plus en plus le porno de l’ultra droite.
Dans une tribune publiée le mardi 17 septembre 2024, plusieurs intellectuels du monde entier ont pris parti en faveur du Brésil dans son bras de fer contre X.
Car ce qui est en jeu ici n’est pas seulement le rapport de force entre le milliardaire californien et le président brésilien, c’est, selon la tribune, la « souveraineté » des États envers les grandes entreprises technologiques.
Derrière cette notion de souveraineté, il y a celle de la démocratie et de l’État de droit. Rappelons rapidement la situation brésilienne. Le premier juge de la Cour suprême du pays, Alexandre de Moraes, a décidé fin août du blocage de X sur le territoire.
Sur le papier, il s’agissait de contraindre le groupe d’Elon Musk à nommer un représentant légal pour répondre de certaines accusations, notamment celles concernant la diffusion de fausses informations, de discours de haine et de propos antidémocrates.
Pour le juge brésilien, ce que X a cherché à faire, c’est « échapper au contrôle juridictionnel » du pays. Pour une raison évidente : imposer un agenda politique à un pays fortement divisé et soumis à la menace de l’extrême droite.
Pour les auteurs de la tribune, la question n’est cependant pas que celle de la politique intérieure brésilienne. Ce que cherche à imposer Elon Musk, c’est avant tout un gouvernement favorable à ses intérêts, c’est-à-dire un gouvernement qui accepte la soumission aux logiques de prédation des grandes entreprises du numérique. En cela, l’affaire brésilienne ne concerne pas que le Brésil, loin de là.
Les intellectuels signataires de la tribune demandent ainsi que « les Big Techs cessent leurs tentatives de sabotages des initiatives brésiliennes visant à créer des capacités indépendantes en matière d’intelligence artificielle, d’infrastructure publique numérique, de gestion de données et de technologie du cloud
Le duel entre le Brésil et X n’est donc que la partie émergée d’un iceberg considérable qui engage le lien devenu complexe entre les États et les géants du numérique.
Pour reprendre le vocabulaire du techno-féodalisme, les États seraient en voie de vassalisation de la part des Big Techs, autrement dit, il leur faudrait se soumettre aux conditions fixées par leurs suzerains pour accéder à des services devenus essentiels et qui, avec l’intelligence artificielle, sont amenés à devenir de plus en plus incontournables.
L’enjeu est donc considérable : il s’agit de savoir quelle sera la marge de manœuvre des États face à ce pouvoir. Or, précisément, ce qu’Elon Musk cherche à empêcher à tout prix, c’est toute forme d’autonomisation de l’État au regard de ce pouvoir numérique
C’est d’ailleurs ici que la question de la liberté d’expression rejoint cette question de la vassalisation. Elon Musk et l’extrême droite états-unienne se sont évidemment indignés de l’interdiction de X au Brésil, y voyant une « censure » et une attaque à la « liberté d’expression ». Mais leur vision du « free speech » est celui de leurs maîtres à penser libertariens comme Murray Rothbard, notamment.
Je vous en avez déjà parler au mois d juin je crois ?…
( à suivre…) Lundi 23 septembre 2024 – 10h20 / 17h05
O.Nottale