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Société

Indignation à géométrie variable

today02/11/2022 4

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    Indignation à géométrie variable Divergence


Je vous préviens, ce sujet risque d’être difficile à entendre, puisqu’on va parler de décès d’enfants. Si vous êtes sensible, je vous conseille de couper le son ces 5 prochaines minutes.nnnEn octobre, le meurtre de Lola, qui avait tout juste 12 ans, a défrayé l’actualité. Ce drame a été commenté jusqu’à l’excès dans les médias durant des semaines et a soulevé une émotion particulière dans tout le pays, du fait du jeune âge de la victime. Malheureusement, il a également été instrumentalisé à des fins politiques et racistes, la meurtrière présumée étant une jeune femme d’origine algérienne. nnnAujourd’hui, je voudrais vous parler du décès d’autres enfants, qui eux, n’auront jamais le dixième de cette couverture médiatique. Pourquoi ? Parce qu’ils étaient handicapés.nnnDébut octobre, Cynthia, 13 ans, a perdu la vie dans une institution où elle allait pour des activités. Ce jour-là, elle devait aller à la piscine, mais elle a été retrouvée inanimée dans une baignoire. Elle souffrait d’épilepsie.nnnIl y a quelques jours, c’est un enfant de 13 ans qui est décédé à l’Institut médico-éducatif de Paron, à Fougères. Il a été retrouvé inconscient dans un couloir de l’établissement, dans des circonstances pour le moins floues. nnnDeux enfants du même âge que Lola, décédés en l’espace de quelques jours dans des institutions censées prendre soin d’eux, et personne ne s’en émeut.nnnJe rappelle à ce titre que les associations de personnes handicapées militent activement contre l’institutionnalisation des personnes et notamment des enfants handicapés, qui est une forme de ségrégation. Ben oui, ça ne vous a sans doute jamais traversé l’esprit, mais les personnes handicapées n’ont pas vocation à vivre entre elles, enfermées et coupées du reste du monde. La vie en institution n’est rien de moins qu’une privation de liberté, un simulacre de vie couplé à un entre-soi qui ne favorise absolument pas l’épanouissement des personnes concernées.nnnD’ailleurs, dans son dernier rapport, le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU notait avec préoccupation que “les enfants handicapés sont exposés à des formes multiples et croisées de discrimination […] à des mauvais traitements, de la violence et des abus, y compris la violence sexuelle, en particulier dans les institutions.” Voilà pour l’ambiance. Vous comprendrez aisément pourquoi nous ne considérons pas les institutions comme des options viables.nnnEt puis, ce week-end, c’est un infanticide qui est venue boulverser la communauté handi. À Marseille, un enfant autiste de 12 ans a été retrouvé sans vie sur les berges de l’Huveaune. Sa mère n’a pas tardé à reconnaître les faits, arguant qu’elle était épuisée et ne supportait plus les crises de son enfant. nnnSi vous voulez vous rendre compte de la différence de traitement médiatique entre le meurtre de Lola et celui-ci, il suffit de parcourir les quelques articles accordés à cette affaire.nnnDéjà, la mère était à peine placée en garde à vue qu’on lui trouve déjà des circonstances atténuantes. Vous comprenez, elle s’occupait seule de son unique enfant. La tante explique “J’avais essayé de l’aider pour qu’elle se fasse accompagner par des institutions spécialisées mais cela avait échoué, et cet enfant a dû manquer de l’encadrement dont il aurait eu besoin”. Encore une fois, l’institution est présentée comme la seule alternative. Dans le journal Sud Ouest, on trouve même une description plutôt sympathique de cette mère “très protectrice”, qui “s’est battue” pour son enfant. La tante décrit sa sœur dans sa jeunesse comme une “bonne vivante, une jeune femme rigolote, qui aimait la vie ». Sous-entendu, être mère d’un enfant handicapé l’a rendue beaucoup moins rigolote. Et dans chacun de ces articles, pas un mot pour cet enfant, dont on ne sait finalement rien. Ni ses joies ni ses peines, ni ses activités préférées.nnnAlors que le visage de Lola a été matraqué partout, cet enfant n’est ni représenté ni même nommé dans les médias. Comme le souligne Celinextenso, la fondatrice de l’association Les Dévalideuses, l’enfant autiste » n’a pas de prénom, pas de visage, on est pas du tout dans l’émotion de « la petite Lola » ou autres infanticides. Ce qu’on retiendra c’est avant tout l’autisme, comme si le lien était évident. Pas d’émotion collective, pas de hashtag, de TT, pas de marche blanche ni de « PLUS JAMAIS ÇA ». Où est passée votre colère ?! Ce drame n’est pas un fait divers anecdotique, c’est un fait de société, c’est un système qui assassine les personnes handis dans l’indifférence générale !”nnnNotre indignation collective ne devrait pas être réservée aux enfants qui cochent les bonnes cases. Les vies des enfants handicapés valent autant que celle des autres.nnnOui, la mère de cet enfant était épuisée, car elle s’occupait seule de lui. Son épuisement est la conséquence d’un système qui néglige complètement les besoins des enfants handicapés et de leurs familles. Mais l’épuisement ne doit jamais, en aucun cas, justifier un infanticide. Ce n’est pas le premier enfant handicapé assassiné de la sorte, et il serait plus que temps de trouver des solutions pérennes pour que ce soit le dernier.nnnIl faut offrir de vraies solutions humaines et personnalisées aux parents, comme une aide à domicile, H24 si il le faut, pour s’occuper de la partie “handicap”. Il faut laisser les parents être de simples parents, pas des aidants. Ça vous semble impensable, complètement utopique ? Un auxiliaire de vie à domicile serait pourtant moins onéreux qu’une place en institution.nnnEn 2020, le coût moyen par place dans les établissements pour enfants en situation de handicap est de 47 600 euros. Et 10 % de ces structures pour enfants ont un coût par place supérieur à 84 200 euros par an. Une aide humaine à domicile serait au final plus facile à financer. nnnIl existe donc des solutions. Des solutions qui permettraient aux enfants handicapés de grandir au sein de leur famille. Mais pour y arriver, il faudrait revoir entièrement notre façon de considérer le handicap dans notre société. Et ça, on n’y est pas encore.nnnC’était Béatrice, pour “Viens te faire dévalider”. Merci de m’avoir écoutée.nnnnnDiffusion mercredi 2 novembre 2022 – 10h20 / 17h05nnnB.Pradillon« 


SociétéViens te faire dévalider

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