Déconjugalisez-moi ça !

Si vous avez suivi l’actualité ces derniers mois, vous avez peut-être entendu parler du combat mené par les personnes handicapées pour la déconjugalisation de l’AAH. nnnL’AAH c’est l’Allocation aux adultes handicapés, une aide financière accordée aux personnes handicapées de plus de 20 ans, qui n’ont pas ou très peu de revenus. Pour l’obtenir, il faut un taux d’incapacité d’au minimum 80 %, c’est-à-dire un handicap assez invalidant. A l’heure actuelle, son montant est de 956,65 euros, c’est mieux que rien hein, mais c’est toujours en dessous du seuil de pauvreté. D’autant que comme d’autres prestations, cette aide était jusque-là soumise à un plafond, prenant en compte les ressources du conjoint. Et le plafond étant bien sûr assez bas, beaucoup de personnes handicapées perdaient leurs revenus dès le moment où elles se mettaient en couple. Un comble quand on sait que les personnes handicapées sont encore plus exposées que la population globale au chômage et à la pauvreté. nnnLe gouvernement, qui avait dans un premier temps refusé fermement la déconjugalisation de l’AAH, a dû sentir le vent tourner. En effet, les associations et militants handicapés ont fait tellement de bruit sur le sujet, que la déconjugalisation de l’AAH est devenue par magie la proposition n°1 de tous les candidats aux élections présidentielles sur le volet handicap. Cet été, la mesure a donc été adoptée ! Alleluïa ! Enfin, les personnes handicapées devront attendre encore un peu, vu que la mesure doit être mise en place à compter du 1er octobre 2023, au plus tard. nnnMais attention, c’est là que ça devient drôle.nnnParce qu’après avoir annoncé en grande pompe la déconjugalisation de l’AAH, le gouvernement a dû se dire “hum… où est-ce que je vais pouvoir gratter un peu d’argent pour financer la déconjugalisation ? Et bien, allons taper dans les Fonds départementaux de compensation du handicap pardi !”nnnC’est donc dans le plus grand des calmes que le gouvernement s’apprête à conjugaliser la compensation du handicap, juste après avoir déconjugalisé l’AAH. Je vous laisse savourer tout le cynisme de cette information.nnnPour rappel, les Fonds départementaux de compensation du handicap financent la prestation de compensation du handicap (PCH). Vous savez, l’aide qui permet d’aménager son logement ou son véhicule, d’embaucher des aidants, de payer le reste à charge de ses équipements comme les prothèses ou fauteuils roulants. nnnAllez, petit exemple personnel : mes appareils auditifs de classe II (qui échappent donc au 100% santé) coûtent 3900€. La sécurité sociale m’a remboursé 480€, ce qui fait un reste à charge de 3420€. Sachant que les prothèses auditives durent en moyenne 6 ans, et qu’après ça, je devrais en changer, je vous laisse calculer combien je vais devoir payer tout au long de ma vie, pour le simple fait d’entendre. Bien sûr il y a les mutuelles, mais c’est pas gratuit, et les remboursements sont très variables d’une mutuelle à l’autre. nnnEn fait, je crois qu’on a du mal à se rendre compte à quel point ça coûte cher d’être handicapé. Visites médicales, hospitalisations, examens, traitements classiques ou alternatifs, équipement médical, aides techniques, aménagement de son environnement, assistance humaine… Même avec la sécurité sociale et les mutuelles, nous comptons sur ces aides financières complémentaires pour ne pas dépendre de la charité d’autrui. Et la conjugalisation de ces aides, en plus d’être contraire aux droits des personnes handicapées établis dans la loi du 11 février 2005, entraîne la dépendance financière de la personne handicapée à son conjoint. Une dépendance qui a tendance à aggraver les maltraitances au sein du couple, les femmes handicapées étant en première ligne des violences conjugales. nnnAlors qu’est-ce qu’on peut faire pour changer ça ? L’association Handi-Social, présidée par Odile Maurin, a décidé de contester la conjugalisation de la compensation du handicap inscrite dans le décret du 25 avril 2022. Mais pour y arriver, en plus de faire du bruit, ils ont besoin d’argent pour les frais d’avocat. Si vous voulez les soutenir, ils ont une cagnotte sur HelloAsso, qui s’appelle “Soutenez la défense du droit à la compensation des handicaps” (https://www.helloasso.com/associations/handi-social/collectes/soutenez-la-defense-du-droit-a-compensation-des-handicaps). Vous trouverez le lien dans la transcription de la chronique. nnnQuand on parle du traitement des personnes handicapées, on nous dit souvent qu’on devrait quand même être satisfaits d’avoir tous ces droits, qu’il y a pire dans d’autres pays. Mais je ne crois pas qu’on puisse faire évoluer une société dans le bon sens en se disant toujours qu’il y a pire ailleurs. nnnL’État doit permettre aux personnes handicapées de vivre décemment et en autonomie. Ce n’est pas un privilège, c’est une question de justice sociale. Nos vies valent autant que celles des personnes valides. Et une société qui permet et entretient la précarité des personnes âgées et handicapées est une société qui perd son humanité.nnnC’était Béatrice, pour “Viens te faire dévalider !”. A la semaine prochaine. nnnnnnDiffusion mercredi 5 octobre 2022 – 10h20 / 17h05nnnnB.Pradillon« 

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