
Depuis 2001, Dujbaka est l’un des architectes de l’identité musicale de France Inter. Personnage singulier drogué à l’art et à la musique, il œuvre à faire découvrir des artistes engagés aux auditeurs, en dépit du contexte social, politique et médiatique tendu dans lequel baigne la France.
A l’instar des quatre autres programmateurs de l’antenne, Djubaka est chargé de tisser, morceau par morceau, la playlist de l’antenne. Et tout comme ses fringues, les playlists du Djubaka sont pour le moins atypiques. Les Vulves Assassines, Nougaro, NTM, Baloji… Il fouille, il déterre, découvre chaque jour des nouveaux titres à ajouter à sa conséquente playlist.
Ce qui l’intéresse aussi, ce sont les histoires qui se cachent derrière les morceaux. « Un artiste passe au moins deux ans à faire un album. Il faut s’intéresser à pourquoi il a consacré sa vie à ce projet, même si t’aimes pas. »
Sélectionnés en fonction d’un plateau, de voix, d’une humeur, d’une situation politique ou personnelle, les disques sont des personnages à part entière de la narration d’une émission.
Djubaka tire sa patte musicale de son enfance. En grandissant dans une famille hippie, il a été biberonné à la culture populaire. « Le punk m’a découvrir Rimbaud. La culture populaire m’ a sauvé. C’est un joli tricot, c’est pas l’écharpe de ta mémé que tu mettras jamais »
Il ne peut pas non plus passer n’importe quel disque. Le but premier est de trouver des morceaux « france-intérisable », c’est-à-dire « [Des singles] que je vais pouvoir faire écouter de 8h du matin jusqu’à minuit à une population la plus large possible. Ici, tu travailles pour l’antenne et pour les auditeurs, pas pour toi. » Le cahier des charges, imposé par l’Arcom et Inter, ne l’empêche pas pour autant de s’exprimer, que ce soit en musique ou en prenant directement le micro.
Inter ou rien
Djubaka défend le service public avec conviction. Il faut dire qu’il entretient avec France Inter une relation de longue durée, aussi vieille que lui. « L’exception culturelle est une réalité. On n’a pas de rapport d’argent avec les labels, ni avec les artistes. En Europe, il n’y a que nous et la BBC qui travaillons comme ça. »
Si Guillaume Meurice, Juliette Arnaud ou Aymeric Lompret, chroniqueurs déchus de feu Le Grand Dimanche Soir, ont quitté France Inter pour Radio Nova à la suite de ladite « Affaire Meurice », Djubaka, qui intervenait au micro pour mettre en lumière des morceaux engagés, ne les a pas suivis. « Moi je travaille pour le service public. C’est un engagement. Soit tu choisis de garder le micro parce que tu sais que c’est un acte de résistance politique, soit tu choisis d’aller bouffer dans une main plus nourrissante.»
Et tant qu’on ne lui enlèvera pas sa caverne d’Ali Baba de bureau, il restera et il continuera à arpenter les milliers de sentiers de la musique, pour en tirer les plus mordantes pépites. « Si t’es pas curieux de l’état du monde, tu fais pas ce boulot.
Be curious, get nervous. »
Diffusion vendredi 21 mars 2025 – 10h40
M.Couillard