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Sous les chansons l'histoire

Dans la gueule du loup (Tetes Raides, 1998)

today29/01/2019 7

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    Dans la gueule du loup (Tetes Raides, 1998) Divergence


C’est une vieille photo en noir et blanc. Au premier plan, une rue pavée et un lampadaire typiquement parisiens. A l’arrière plan, des arbres effeuillés, une brume automnale. Entre les deux, un muret du bord de Seine où l’on peu voir inscrit, à la peinture : « Ici, on noie les Algériens ». Nous sommes au lendemain du 17 octobre 1961. La veille, une manifestation organisée par la fédération de France du FLN a été réprimée dans le sang par la police française.n

Tout d’abord, le contexte. La situation en Algérie est tendue. Depuis 1954, la guerre d’indépendance s’éternise. En avril a eu lieu le « putsch des généraux » qui, avec l’OAS, montre clairement l’influence de l’extrême droite au sein de l’armée. Au même moment, le gouvernement négocie en secret avec le GPRA et le FLN. Durant l’été 61, la tension est à son comble entre toutes les parties. A cette époque vit en France une importante communauté algérienne immigrée. Une partie est structurée par le FLN qui organise sa lutte anti-coloniale également en métropole. Des attentats sont ainsi projetés contre des policiers français dont 13 sont tués entre le 29 août et le 3 octobre. De la même façon, les personnes originaires du Maghreb connaissent de plus en plus de mauvais traitements, des destructions de papiers d’identité, des passages à tabac voire des meurtresn

C’est dans ce contexte de violence croissante que le préfet de police Maurice Papon, autrement connu pour avoir participé à la déportation de Juifs lorsqu’il était secrétaire général de la préfecture de Gironde entre 1942 et 1944, instaure un couvre-feu uniquement destiné aux Algériens. La gauche, comme le parti communiste et la CGT, dénonce cette décision. De son côté, le FLN organise la riposte par le biais d’une manifestation pacifiste dans la soirée du mardi 17 octobre. L’afflux de manifestants important. On évoque environ 40 000 personnes ralliant le centre de la capitale. Les forces de l’ordre sont rapidement dépassées et des coups de feu sont tirés, notamment au pont de Neuilly, à République et à Saint-Germain. On comptabilise des milliers d’arrestations, des centaines de blessés, une centaine de disparus. L’historien Benjamin Stora estime qu’il y a eu 98 morts. n

Le massacre du 17 octobre 1961, moment sanglant de l’histoire de France, a finalement été reconnu en 2012 par le président de la République. Auparavant, de nombreux artistes avaient contribué à en maintenir la mémoire. En 1966, l’écrivain Kateb Yacine, engagé dans l’indépendance algérienne, publie Le Polygone étoilé dans lequel on retrouve Dans la gueule du loup, un poème dénonçant la répression sanglante des Algériens cette nuit-là. Il y interpelle le peuple français, comme témoin : « Peuple français, tu as tout vu, oui, tout vu de tes propres yeux, et maintenant vas-tu parler ? Et maintenant vas-tu te taire ? ». C’est ce poème que le groupe Les Tetes Raides décide de reprendre, en 1998, dans son album Chamboultou. D’une façon limpide, sur un air d’accordéon, Christian Olivier assène les vers courts, précis et percutants du poète. C’est beau, c’est fort. Et nous rappelle qu’en France, oui, la police a assassiné et qu’elle continue de le faire. n

nnnnDiffusion mardi 29 janvier 2019 – 10h40 / 17h40nnnC.Pereirannn »


Sous les chansons l'histoire

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