Aider à mourir Divergence
Bonjour ! L’actu politique du moment, c’est le projet de loi “Aide à mourir”. Le gouvernement veut permettre aux personnes âgées, malades ou handicapées de mettre fin à leurs jours grâce à une substance létale. Mais attention, on ne parle pas de suicide assisté ni d’euthanasie, pour mieux brouiller les pistes face aux éventuelles voix dissidentes. Avec ce texte de loi, Emmanuel Macron déclare vouloir “regarder la mort en face”.
En apparence, permettre aux personnes condamnées de mourir dans la dignité est une loi progressiste. On nous présente le choix de mourir comme la dernière des libertés à conquérir. Et il y a quelques années, j’aurais été tout à fait d’accord. Toutes les lois qui accordent davantage de choix et de libertés devraient être célébrées, n’est-ce pas ?
Mais aujourd’hui, avec tout mon bagage militant, je m’interroge. Je ne suis plus si sûre que cette loi soit une grande avancée humaniste, ni une “loi de fraternité” comme certains l’appellent. Ce n’est même pas une question de morale, de bien ou de mal.
Avant de nous aider à bien mourir, ne devrait-on pas nous aider à bien vivre ?
Dans son introduction, le projet de loi précise que nous avons en France, le plus haut taux de suicide d’Europe chez les personnes âgées. En toute logique, dans une société réellement fraternelle, on devrait s’intéresser aux raisons pour lesquelles ces personnes se suicident, et non les aider à en terminer au plus vite. Ne devrait-on pas œuvrer à imaginer de meilleures alternatives de fin de vie que l’isolement à domicile ou la vie en Ehpad, où la maltraitance se banalise faute de personnel ?
Avant de parler de mort digne, nous voudrions vraiment parler de vie digne.
Proposer une vie digne, c’est commencer par considérer que les personnes malades et handicapées ont le droit de se déplacer partout, de s’éduquer, de s’informer, d’avoir des loisirs, de voyager, de fonder une famille. C’est arrêter de nous maintenir la tête sous l’eau en nous proposant une Allocation Adulte Handicapé sous le seuil de pauvreté. C’est proposer des AESH mieux formés et mieux rémunérés, pour que tous les enfants handicapés puissent aller à l’école. C’est arrêter de stériliser les femmes handicapées pour couvrir les violences sexuelles dont elles sont victimes. C’est arrêter de promouvoir un système institutionnel condamné maintes fois par l’ONU car il contrevient aux droits des personnes handicapées.
Proposer une vie digne, c’est aussi donner les moyens à la médecine et aux hôpitaux publics de soigner correctement toutes les personnes qui en ont besoin. Je rappelle que 21 départements sont privés d’unités de soins palliatifs, que nos hôpitaux publics sont en forte tension, avec des délais de prise en charge toujours plus longs aux urgences. Que nos services psychiatriques mériteraient d’être complètement repensés, qu’on y pratique encore la contention, l’isolement et la médication forcée. Que les violences morales, physiques et sexuelles sont encore légion dans le milieu médical.
Par ailleurs, cette proposition de loi arrive juste après que le gouvernement ait annoncé vouloir revenir sur la prise en charge des affections de longue durée, qui coûtent apparemment trop cher à l’assurance maladie. Le ministre délégué à la Santé souhaite réaliser 10 milliards d’économies sur le dos des personnes atteintes de maladies chroniques, comme la mucoviscidose, la maladie de Crohn, les cancers, la sclérose en plaques ou encore la maladie de Parkinson. A titre de comparaison, je rappelle que la fraude fiscale représente entre 80 et 100 milliards d’euros par an.
Quand on parle d’aide à mourir, on nous présente souvent des exemples médiatisés comme Vincent Lambert. Mais il y a des contre-exemples. En 2021, Marine a mis fin à ses jours à seulement 26 ans. Elle souffrait de migraines chroniques ; le seul traitement qui la soulageait coûtait 1000€ par mois et n’était pas remboursé. Ce ne sont pas ses souffrances, mais le manque d’accès aux soins qui l’a conduit au suicide.
Alors excusez mon cynisme, mais entre les annonces sur les affections de longue durée et le projet de loi “Aide à mourir”, j’ai un peu l’impression qu’on essaie de nous faire passer un message. Que nos morts sont presque souhaitées, puisqu’on coûte si cher à la société. Et pour couronner le tout, le 3 avril, France 2 va diffuser “Tu ne tueras point”, un film inspiré de la vie d’Anne Ratier, qui raconte comment une mère en vient à tuer sa fille autiste. Le film sera diffusé le lendemain de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, une symbolique plus que douteuse.
On devrait tous et toutes pouvoir choisir comment on veut vivre et mourir. Mais avant d’ouvrir la porte de l’euthanasie légale, assurons-nous que nos personnes âgées, malades et handicapées disposent de toutes les conditions pour faire ce choix de manière réellement libre et éclairée. Que la mort n’est pas la seule issue souhaitable face à une société qui nous maltraite, nous exclut et nous condamne à la pauvreté.
C’était Béatrice, pour “Viens te faire dévalider”. A la semaine prochaine !
Diffusion mercredi27 mars 2024 – 10h20 / 17h05
B.Pradillon