
Chères auditeurices,
Bonjour et bienvenue dans Mismatch, l’émission dédiée à l’accessibilité des jeux vidéo. Elle est destinée aux professionnels, aux néophytes du média mais aussi aux joueurs et joueuses. Je suis Damien Fargeout, game designer de formation, consultant en accessibilité de jeux vidéo et président de l’association Dear Valid People. Chaque semaine, nous mettrons en lumière, ensemble, chaque pièce du puzzle formant ce jeune domaine qu’est l’accessibilité de jeu vidéo. Étant moi-même handicapé, ma formation mêlée à mon expérience de vie m’ont amené à me spécialiser sur le sujet.
La semaine dernière, nous avons pu examiner une première idée reçue sur l’accessibilité, encore très persistante : “L’accessibilité dégrade le design”. Cette affirmation est loin d’être vraie. L’inverse serait même plus proche de la vérité. Nouvelle semaine, nouvelle idée reçue à décortiquer dans Mismatch : l’accessibilité, ce n’est que pour les personnes handicapées.
Plusieurs sous-entendus se trouvent dans cette affirmation : les personnes handicapées ne constitueraient qu’une minorité, l’accessibilité ne viendrait combler qu’un besoin spécifique des personnes handicapées. Les croyants de cette idée ne sont pas en position de vivre des situations d’inaccessibilité. Leurs biais les amènent à croire que tout le monde est comme eux.
Pour rappel, les personnes handicapées constituent ⅕ de la population mondiale, soit 12 millions de personnes en France. Ces chiffres sont amenés à être plus élevés si on en prend en compte les personnes non déclarées administrativement ou ne déclarant qu’un ressenti d’un handicap. Concernant le jeu vidéo, Microsoft estime à 400 millions, le nombre de joueurs handicapés dans le monde. Le mot “que” dans l’affirmation pouvait sous-entendre une minorité numéraire mais nous parlons de minorité sociale dans le cadre du handicap. C’est-à-dire que l’on se réfère au traitement social, médiatique compris, qui est réservé aux personnes handicapées. Et il fleurte avec l’inexistence d’où le terme “minorité”.
Un deuxième sous entendu peut être compris dans l’idée reçue du jour. L’accessibilité serait un moyen de combler un besoin spécifique, uniquement pour les personnes handicapées. Il est temps d’enlever cette idée que les personnes handicapées ont des besoins spécifiques, peu communs. De plus, cela vient nourrir un autre mythe qu’elles ne seraient pas comme tout le monde. Les besoins sont les mêmes. Ce sont les moyens mis en place pour les satisfaire qui sont différents. L’accessibilité a toujours été présente mais n’a jamais été appelée comme telle. Le mode d’emploi d’un nouveau produit est une forme d’accessibilité. Il permet de combler le besoin de compréhension du fonctionnement du produit. Il faut rajouter une version audio pour combler ce même besoin chez les personnes malvoyantes.
Dans le monde de l’accessibilité, un phénomène est mis en avant pour démontrer qu’elle pour tous et toutes : le curb effect. Prenons l’exemple du bateau d’un trottoir. Il permet à une personne en fauteuil roulant de monter sur un trottoir, mais aussi à une personne avec une poussette, un livreur avec son diable. C’est de l’optimisation. Dans le cadre du jeu vidéo, je suis persuadé qu’elle offre des points d’entrées à des personnes qui ne se considèrent pas joueur, faute d’inaccessibilité. Par contre, je tiens à émettre un point de vigilance. Bien que l’accessibilité puisse profiter à tous et toutes, il permet avant tout de remettre à un niveau égal les personnes handicapées, en tant que consommateur.
Pour finir, je dirais que travailler l’accessibilité aujourd’hui, c’est pensé au soi de demain. Le handicap est imprévisible et arrivera tôt ou tard. La population des joueurs de jeu vidéo vieillit et ils veulent continuer à jouer ou rejouer à des titres de leur jeunesse. Donc non, l’accessibilité, ce n’est pas que pour les personnes handicapées. C’est pour donner une chance à tous de profiter de cette forme d’expérience. Peu importe ton âge, ton genre, tes capacités, l’objectif est le même : obtenir du fun.
Pour le prochain épisode, attaquons-nous aux nerfs de la guerre : l’argent. L’accessibilité est perçue comme un domaine supplémentaire qui demande un budget supplémentaire qui est rarement possible. Mais qu’en est-il vraiment ? L’accessibilité est-elle vraiment chère, au-dessus de toutes capacités financières ?
Vous venez d’écouter Mismatch, une émission créée par un concerné pour des concernées.
Diffusion vendredi 21 mars 2025 – 10h20
Rediffusion lundi 24 mars 2025 – 10h40 / 17h40
D.Fargeout