Mismatch

Le troisième pilier de l’accessibilité : la représentation

today12/11/2024 9

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Bonjour et bienvenue dans Mismatch, l’émission dédiée à l’accessibilité des jeux vidéo. Elle est destinée aux professionnels, aux néophytes du média mais aussi aux joueurs et joueuses. Je suis Damien Fargeout, game designer de formation, consultant en accessibilité de jeux vidéo et président de l’association Dear Valid People. Chaque semaine, nous mettrons en lumière, ensemble, chaque pièce du puzzle formant ce jeune domaine qu’est l’accessibilité de jeu vidéo. Étant moi-même handicapé, ma formation mêlée à mon expérience de vie m’a amené à me spécialiser sur le sujet.
Nous avons clos le chapitre sur les quatre familles d’accessibilité durant l’épisode dernier. Il est temps d’entamer le dernier pilier de l’accessibilité de jeu vidéo : la représentation. C’est un sujet de plus en plus mis en lumière par la recherche sur la discrimination des minorités : racisme, sexisme, transphobie, validisme. Tout média culturel diffuse une image d’une communauté et il est possible qu’elle soit la seule en tête pour la majorité de la population. Une représentation infidèle d’une communauté crée des stéréotypes comme ceux que j’ai déjà pu décrire dans les derniers épisodes. Pour parler convenablement du sujet de la représentation des personnes handicapées, il me semble important de définir la discrimination qui leur est liée : le validisme. La plupart ne connaissent pas le terme et le peu qui connaisse émettent des réticences à son utilisation. Leur argument : cela sous-entendrait que les personnes handicapées seraient invalides. Sauf qu’il s’agit de deux champs sémantiques différents : validisme et validité. Être une personne valide n’a aucun lien avec des critères de validité (même si la société nous fait croire le contraire). Qu’est-que le validisme ? Il est le système d’oppressions vécu par les personnes handicapées. Il peut être systémique, ordinaire ou intériorisé. Il se partage en deux notions : le misérabilisme ou l’inspiration porn. Le misérabilisme revient à présenter le handicap de manière à s’apitoyer sur le sort du protagoniste, pendant que l’inspiration porn le place sur un piédestal, mérité par ses soit-disantes souffrances, tel un martyr. Dans le cadre de média narratif comme le jeu vidéo ou le cinéma, il peut prendre l’apparence de clichés, d’essentialisation ou d’invisibilisation. Une étude nous dit que la représentation des personnes handicapées représente moins de 1% dans les médias français.
Dans le monde de l’imaginaire du jeu vidéo, il est trop tentant de remplacer le handicap d’un protagoniste par un élément encore plus “cools”, l’occultant totalement. Typiquement, les personnages amputés ont souvent des prothèses surhumaines, capables de casser des murs, soulever des voitures ou plus, loin de toute justesse de la réalité. Quand le handicap n’est pas travesti, il est souvent relégué au rang de Personnages Non Jouables. Qui voudrait jouer avec ces personnages ? Qui voudrait jouer avec des jouets cassés ?
Dans les scénarios de jeu vidéo ou de cinéma, les personnages handicapés sont remplis de clichés. Les méchants ont souvent une forme plus ou moins prononcée de handicap, raison pour laquelle ils le sont. Les personnages issues de la neurodiversité sont souvent représentés comme benêts, inaptes à la société mais avec une capacité extraordinaire venant surcompenser le handicap comme dans l’exemple précédent des personnes amputées. Les personnages présentant un handicap dit “lourd” n’auraient qu’un dénouement : la mort. Le joueur est souvent mis dans une position de sauveur où il viendrait soulager les souffrances du personnage.
Dans certains cas, le handicap cherche à être invisibilisé, dans d’autres, il est bien trop mis en avant. Comme si le handicap était l’unique caractéristique d’un protagoniste. Ce procédé s’appelle l’essentialisation. Le handicap peut être un objet d’instrumentalisation en incarnant un personnage principal handicapé avec un gameplay “différent”. Mais où le handicap est déformé dans le but d’être fun.
Les exemples donnés sont négatifs mais des positifs demeurent, bien que rares. Comme dit sur l’épisode de l’accessibilité auditive, la mise en avant de la langue des signes est une représentation inclusive de la culture sourde. Dans un titre plutôt récent, un personnage non jouable sourd crée un lien avec le héros, par le biais de cette langue. Le personnage de Joker, le pilote dans la série Mass Effect, est paraplégique mais son rôle dans l’histoire n’est pas développé autour de son handicap. D’autres titres sont approuvés par la communauté de personnes concernées pour la justesse de représentation ou d’autres ont un gameplay faisant appel à d’autres sens.
Pour finir cette chronique, je souhaite rappeler pourquoi la représentation est importante. Elle peut être résumé à l’histoire entre Robert Taylor et le jeu vidéo Earthbound. Robert Taylor est créateur de jeux vidéo et Earthbound est sorti en 1995 quand il était enfant. Un lien incontestable s’est créé entre le jeu et le joueur car il s’est reconnu dans le personnage principal, dans l’histoire, dans l’expérience procurée par ce titre. Cela lui a offert un modèle, une motivation, une inspiration pour créer ses propres jeux. Et aujourd’hui, 30 ans plus tard, les émotions restent intactes à l’écoute du thème principal d’Earthbound.
Dans la continuité de cette thématique de la représentation, je souhaiterais émettre une distinction très importante entre diversité et inclusion. Elle constituera le sujet du prochain épisode.
Vous venez d’écouter Mismatch, une émission créée par un concerné pour des concernées.

 

Diffusion vendredi 15 novembre 2024 – 10h20

 

D.Fargeout


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