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Société

Martine aux Paralympiques

today17/09/2024

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    Martine aux Paralympiques Divergence


Bonjour et bienvenue dans cette nouvelle saison de “Viens te faire dévalider”, la chronique qui décortique les préjugés et l’actualité autour du genre et du handicap.

Les médias sont unanimes : ces Jeux Paralympiques étaient un succès. 2,5 millions de billets vendus ou distribués, une couverture médiatique sans précédent, et une cérémonie d’ouverture presque aussi impressionnante que celle des Jeux Olympiques, qui a permis de faire découvrir au monde entier Lucky Love, ce chanteur, danseur et modèle handicapé aux faux airs de Freddy Mercury.

Pendant 10 jours, des personnes handicapées ont été au centre de l’attention, chacune de leurs apparitions scrutées, commentées, encensées.

C’est sûrement le meilleur aspect des Jeux à mon sens : donner à voir le handicap, pour le banaliser. Car le reste de l’année, nous vivons loin des projecteurs, et nos quotidiens sont loin d’être aussi glamour.

Alors, quelle leçon pouvons-nous tirer collectivement de ces Jeux Paralympiques ? Notre pays est-il soudainement devenu plus inclusif ? Le besoin de gratter le vernis médiatique me démange.

D’abord, il y a cette obsession de vouloir cloisonner les corps valides d’un côté et handicapés de l’autre. Les Jeux Paralympiques ne font que reproduire la ségrégation que beaucoup d’entre nous vivent au quotidien. Chaque discipline porte un nom spécifique pour bien la différencier de celle pratiquée par les athlètes valide : para cyclisme, para judo, para natation, basket fauteuil ou cécifoot. Mais lorsqu’on décoche une flèche vers une cible, c’est bien du tir à l’arc ? Et quand on nage, c’est de la natation ? Certes, certaines règles diffèrent, il peut y avoir des personnes qui assistent les athlètes, ou d’autres adaptations selon les handicaps, mais cela reste le même sport, la même discipline.

Malgré l’engouement, les Jeux Paralympiques sont toujours perçus comme une sous-catégorie, et n’ont pas droit aux mêmes honneurs. Le trajet de la flamme olympique dans l’hexagone a duré près de 2 mois, éclairant sur son passage tous les lieux emblématiques, comme les grottes de Lascaux, la cité médiévale de Carcassonne ou le Mont Saint Michel. La flamme paralympique, elle, n’a brillé que 4 jours.

Il faut également s’attarder sur le discours, sur la manière dont on nous parle du handicap dans le cadre des Jeux. On encense des réussites individuelles, des trajectoires hors normes, inspirantes, courageuses. Plus que des exploits sportifs, on applaudit des personnes qui ont su en quelque sorte “transcender leur handicap”, aller au-delà de leurs difficultés. On verse sans le vouloir dans l’inspiration porn, un concept avancé par la comédienne et journaliste Stella Young en 2014. C’est le fait de considérer les personnes handicapées comme des sources d’inspiration, de s’extasier devant leur moindre geste, comme si le simple fait d’exister était une réussite en soi.

Derrière les encouragements et les applaudissements, il y a des injonctions qui pèsent lourd sur les personnes concernées. Cela renforce le cliché du « bon handicapé ». Vous savez, cette personne qui refuse son destin de personne handicapée et cherche constamment à repousser ses limites, sans jamais se départir de son sourire. On a le droit d’exister avec nos maladies et handicaps, sans chercher la performance, et sans vouloir à tout prix entrer dans la norme.

Cela m’emmène à un autre concept, celui d’handinationalisme, expliqué par Charlotte Puiseux dans son Dictionnaire crip : c’est le fait, pour les nations occidentales, de “mettre en avant la réussite sociale de certainEs citoyenNEs handicapéEs”, pour se donner une image tolérante et inclusive. On glorifie ces athlètes tout en continuant de laisser à la marge la grande majorité des personnes handicapées. Car la réalité, c’est qu’on a pas beaucoup avancé en termes d’accessibilité et d’inclusion, malgré les promesses. Notre quotidien ne s’est pas amélioré d’un coup de baguette magique. On subit toujours les mêmes limitations dans nos environnements, les mêmes discriminations à l’embauche ou dans l’accès aux services, le même manque de moyens matériels, financiers et humains pour accéder à l’autonomie.

Il y a quand même quelques ruptures dans le discours médiatique. On a pointé du doigt le fait que certaines athlètes paralympiques étaient devenues handicapées suite à une tentative de féminicide. Mais encore une fois, le regard se focalise sur les drames individuels, sur des parcours de vie, comme lorsqu’on évoque l’archère Tracy Otto, qui s’est hissée jusqu’aux Jeux Paralympiques 5 ans après avoir été laissée pour morte par son ex petit ami. On les érige en modèle de résilience.

Réduire le handicap à des histoires individuelles, c’est balayer tout ce que l’on ne veut pas voir. C’est enlever toute la dimension collective et politique. Les violences de genre n’épargnent personne, mais elles touchent particulièrement les femmes et minorités de genre handicapées, qui sont 2 à 3 fois plus souvent victimes de violences conjugales et intrafamiliales. Pourquoi ? Parce qu’elles sont plus dépendantes, physiquement, financièrement et matériellement, des personnes avec qui elles vivent. Nous ne sommes pas forcément plus vulnérables à ces violences par nature, mais nous sommes maintenues dans cet état de vulnérabilité par un système qui nous garde la tête sous l’eau, par exemple en laissant l’Allocation d’Aide aux Adultes Handicapés sous le seuil de pauvreté.

J’admire sincèrement les athlètes paralympiques, mais nous avons besoin de raconter d’autres histoires, d’entendre d’autres discours. Les personnes handicapées ne peuvent pas et ne doivent pas se résumer aux Jeux Paralympiques et au Téléthon, entre héroïsation d’un côté, et misérabilisme de l’autre.

C’était Béatrice, du collectif Les Dévalideuses pour Divergence FM. A la semaine prochaine !

 

Diffusion mercredi 18 septembre 2024 – 10h20 / 17h05

 

B.Pradillon


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