Ma voix mon choix Divergence
Bonjour et bienvenue dans “Viens te faire dévalider”, la chronique qui décortique les préjugés et l’actualité autour du genre et du handicap.
Comme toute personne avec des convictions féministes, j’ai parfaitement conscience de la situation des femmes au Texas et dans les autres États qui ont banni ou restreint le droit à l’avortement. Tout comme je suis consciente du sort des femmes en Afghanistan ou à Gaza.
C’est une chose d’avoir conscience, c’est une autre de toucher du doigt la réalité au travers d’exemples ou de chiffres des violences subies. J’ai appris cette semaine que, rien qu’au Texas, 26 313 femmes sont tombées enceinte de leur violeur sans pouvoir avorter, depuis l’abrogation du droit à l’IVG. Ce chiffre a été révélé dans le journal de l’association médicale américaine.
Le gouverneur texan Greg Abbott a donc été interrogé : “Pourquoi force-t-on les victimes de viol ou d’inceste à mener leur grossesse à terme ?” Il a répondu que le Texas travaillait sans relâche pour s’assurer qu’il n’y ait plus de violeurs dans les rues. En faisant appel à l’image bien connue du violeur qui pourchasseraient ses proies dans des ruelles sombres, il prouve sa méconnaissance totale des violences sexuelles. Rappelons que dans 9 cas sur 10, les violeurs ne sont pas des inconnus, ils font partie de notre entourage. Ce sont nos voisins, amis, collègues, oncles, pères, éducateurs ou professeurs, quand ce ne sont pas nos partenaires ou ex partenaires.
Par ailleurs, je ne crois pas que Greg Abbott ou n’importe quel autre politicien au Texas aient seulement levé le petit doigt pour tenter d’endiguer les viols. Il n’y a pas eu de campagne de prévention, d’appel à la délation ou d’arrestations massives de violeurs. Pire, dans les rares cas où ceux-ci écopent d’une peine de prison, ils acquièrent à leur sortie un droit de visite auprès de leur enfant.
Lorsqu’on oblige les femmes à mener leur grossesse à terme, même lorsqu’elles ont été violées par un homme, même lorsque le bébé n’est pas viable, ou lorsque cette grossesse risque de les mettre en danger, ce n’est pas un choix pour la vie, comme essaient de faire croire les partisans de ces politiques. Ce qui se joue réellement, c’est une guerre contre les femmes.
Aujourd’hui, dans de nombreux pays dans le monde, les forces réactionnaires mènent une guerre contre toutes les femmes.
Cette guerre peut prendre différents aspects. Aux États-Unis par exemple, bien avant que le droit à l’avortement soit remis en question, il y a eu une recrudescence de fausses cliniques d’avortement. “Grimés en centres médicaux pour femmes, ces lieux prodiguent en réalité des conseils non médicaux et manipulent les plus vulnérables pour les empêcher d’avoir accès à une IVG” nous révèle un article du journal l’Humanité. Un documentaire sur le sujet est sorti en mars, dans lequel une victime témoigne par exemple qu’on l’a forcée à regarder un film de 30 min, où un homme déguisé en médecin mettait en pièce un bébé, en disant “un avortement c’est ça”. Voilà le genre de torture psychologique imposée aux femmes qui pensent trouver de l’aide dans ces centres. Ces fausses cliniques se sont multipliées au point d’être aujourd’hui trois fois plus nombreuses que les vraies cliniques abortives aux États-Unis.
Ce qu’il se passe aujourd’hui aux États-Unis et dans bien d’autres pays dans le monde nous prouve encore une fois que les droits des femmes et minorités de genre ne sont jamais acquis. Comme disait Simone de Beauvoir, “il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez rester vigilantes”.
Aujourd’hui, alors que l’extrême droite gagne du terrain partout en Europe, nous ne devons plus seulement rester vigilantes, nous devons nous montrer combatives concernant nos droits reproductifs.
C’est pourquoi, avec le collectif handi-féministe Les Dévalideuses, nous avons rejoint l’initiative européenne “Ma voix mon choix”.
Les revendications sont claires : toute personne vivant dans l’Union Européenne doit avoir accès à l’avortement en toute sécurité, peu importe qui elle est et d’où elle vient. Plus de 20 millions de femmes dans l’Union Européenne n’ont pas accès à l’avortement. Cela expose non seulement les femmes à des risques pour leur santé physique, mais aussi à un stress économique et psychologique. En particulier les femmes et les familles déjà précarisées ou marginalisées. Pour remédier à cette situation, la Commission européenne a été invitée à présenter une proposition de soutien financier aux États membres qui seraient en mesure de réaliser des interruptions de grossesse pour toute personne en Europe qui n’aurait toujours pas accès à un avortement sans danger et légal.
Pour soutenir cette initiative, “Ma voix mon choix” essaie de rallier 1 million de signatures. Je vous invite vivement à apporter votre soutien sur le site de la campagne, www.myvoice-mychoice.org/fr.
Notre travail au sein de cette initiative est de créer un réseau handi-féministe à l’échelle européenne : lister et contacter toutes les collectifs qui militent pour les droits des femmes et minorités de genre handicapées, afin d’organiser un webinaire autour des spécificités rencontrées par les femmes handicapées en matière d’IVG, mais plus largement en matière de droits sexuels et reproductifs.
Car n’oublions pas que pour les femmes handicapées, le problème n’est pas seulement l’accès à l’IVG, mais aussi l’accès à la vie sexuelle, à la contraception et à la parentalité. Dans de nombreux pays européens, à l’instar de la France, on impose encore des stérilisations aux femmes handicapées dans les établissements socio-médicaux, sans leur consentement libre et éclairé. Il s’agit ni plus ni moins d’eugénisme sous couvert de paternalisme.
Pour protéger le droit de toutes les femmes à choisir librement, quelle que soit leur orientation sexuelle, leur origine, leur religion, leur état de santé ou leur classe sociale, nous devons faire front commun. Dès maintenant, rejoignez le mouvement !
C’était Béatrice, pour Viens te faire dévalider. A la semaine prochaine !
Diffusion mercredi 1 mai 2024 – 10h20 / 17h05
B.Pradillon