Le mois des fiertés Divergence
La Pride de Montpellier aura lieu ce samedi 17 juin dès midi au jardin du Peyrou. La marche débutera à 15h30, après les discours, et sera suivie d’une soirée musicale et festive de 19h30 à minuit. La Pride est un moment de joie et de célébration pour la communauté LGBTQIA+, mais c’est aussi un moment de recueillement et le lieu propice pour les revendications politiques. Car si les personnes LGBT continuent de défiler année après année, c’est avant tout pour rappeler qu’elles sont toujours discriminées.
Il est confortable de croire que les inégalités ont quasiment disparu. Après tout, on voit des personnes queer dans pratiquement toutes les séries ou émissions tv, en France la PMA est désormais ouverte aux couples de femmes, et le drapeau arc-en-ciel ne semble plus si transgressif.
Pourtant, les personnes LGBT restent discriminées et ce dès la naissance, à l’instar des enfants intersexes qui sont soumis à des opérations et des traitements médicaux barbares. Cela continue à l’école avec des moqueries, du harcèlement moral et de l’intimidation. C’est ce qui a poussé le jeune Lucas à mettre fin à ses jours en janvier. D’ailleurs, le taux de suicide et tentatives est beaucoup plus important chez les jeunes LGBT que dans le reste de la population. Plus tard, ce sont les discriminations à l’embauche et au logement, et la peur d’être agressé dans la rue parce qu’on est visiblement queer.
Les droits des personnes LGBT sont sans cesse débattus et menacés, et le fait qu’on en débatte ouvre la porte aux opinions réactionnaires qui ne manquent jamais de trouver des retentissements bien concrets dans l’espace public.
Ainsi en 2013, alors que le mariage pour tous était débattu, la France a connu une hausse des agressions haineuses envers les personnes LGBT. On aimerait croire que la Manif Pour Tous est un mauvais souvenir mais non, elle se réinvente, devient le Syndicat de la Famille, et poursuit ses croisades réactionnaires contre toutes les personnes qui s’éloigneraient de la norme hétéro. Récemment, ce sont les drag queens qui font parler d’elles. Aux États-Unis, elles sont dans le viseur de l’extrême droite, et sont régulièrement prises à parti, accusées de pervertir les enfants. En Floride, des hommes avec des drapeaux nazis se sont rassemblés à l’entrée d’un gala de charité où figuraient des drag-queens, les accusant d’être « des pédophiles malades du sida ». Cette nouvelle obsession a des répercussions jusque chez nous, où des drag queens ont été menacées pour avoir organisé des lectures avec des enfants. Pourtant, derrière leur maquillage exubérant, les drag queens sont les créatures les plus douces qu’ils soient. Elles transmettent des messages d’acceptation de soi et de tolérance. Rien ne justifie cette haine.
Les Prides sont donc partout à travers le monde un moyen de rappeler que les personnes LGBTQIA+ existent, qu’elles ne veulent plus se cacher ou s’excuser de ce qu’elles sont. Mais surtout, les Prides sont des espaces de revendication. D’ailleurs, on voit éclore depuis peu des Prides radicales, qui se veulent encore plus engagées politiquement. Les Prides radicales se placent au croisement de plusieurs luttes, associant à leur appel des associations féministes, anti racistes, anti capitalistes et anti validistes.
Mais savez-vous d’où viennent les Prides ? Quel événement est à l’origine de tout ça ?
Dans les années 60, aux États-Unis comme ailleurs, les personnes LGBT sont violemment discriminées. L’homosexualité est alors souvent considérée comme une maladie mentale ou une déviance grave, et les personnes homosexuelles enfermées dans des asiles ou en prison. A New-York, il existe pourtant une importante communauté queer. Elle se retrouve dans les rares bars dédiés comme le Stonewall Inn, où la vente d’alcool est interdite par les autorités de manière arbitraire. Malgré les pots-de-vin versés par le gérant du Stonewall, la police organise régulièrement des descentes, arrêtant les clients jugés trop efféminés.
Le 28 juin 1969, après une énième descente de police, les clients du Stonewall se révoltent. Voyant leurs camarades encore un fois menottés et traînés de force par la police, ils décident de ne plus se laisser faire. Le Stonewall est occupé et devient le centre nerveux d’une émeute qui va durer toute une semaine. Partout dans le monde, des rassemblements spontanés ont lieu pour soutenir la communauté LGBT de New-York.
Un an après les événements, des marches sont organisées pour commémorer ce qu’on appelle « les manifestations spontanées de Christopher Street ». Une première a lieu le 27 juin 1970 à Chicago. Le lendemain, d’importants rassemblements sont organisés à New-York et à Los Angeles. Ce sont les toutes premières Prides. L’émeute de Stonewall représente donc un tournant décisif dans l’histoire des luttes LGBT.
Pour la petite histoire, la ville de Paris a récemment rendu hommage à cet événement en inaugurant la Place des émeutes de Stonewall. Elle se situe bien sûr dans le quartier du Marais, connu pour abriter une forte communauté LGBT depuis les années 80.
Nous, personnes handicapées, devons beaucoup aux luttes LGBT. Queer veut dit “bizarre” ou “inadapté” en anglais. Nous aussi sommes bizarres et inadaptés. Nos communautés ont beaucoup en commun, quand elles ne se rejoignent pas. Nous existons tous quelque part en dehors de la norme établie, et nous sommes encore souvent considérés comme inférieurs à cause de ces différences. C’est pourquoi nous luttons si fort pour déconstruire ces normes, pour penser autrement le rapport au corps et au genre. Nous avons longtemps été tenus éloignés de la société, et nous sommes encore nombreux à devoir vivre enfermés en institution ou en service psychiatrique. Comme les personnes queer, nous avons besoin de retrouver notre fierté, de revendiquer nos identités handies.
J’espère que peut-être, un jour, les personnes handicapées auront leur propre marche des fiertés. En attendant, je veux souhaiter un beau mois des fiertés à toutes les personnes rassemblées sous le drapeau arc-en-ciel.
C’était Béatrice, pour “Viens te faire dévalider”. A la semaine prochaine !
Diffusion mercredi 14 juin 2023 – 10h20 / 17h05
B.Pradillon