La gifle Divergence
C’est l’histoire d’une gifle qui n’en finit plus de provoquer des remous au sein de la France Insoumise. Le député Adrien Quatennens a giflé sa femme dans le cadre de tensions lors de leur séparation. Il a écopé de 4 mois de prison avec sursis, et d’une radiation de durée équivalente auprès de son groupe à l’Assemblée nationale. Il avait déjà retrouvé les bancs de l’Assemblée en début d’année, et aujourd’hui il réintègre le groupe LFI.
Le moins qu’on puisse dire c’est que sa réintégration fait débat, même dans ses propres rangs. François Ruffin ou encore Clémentine Autain ont exprimé leurs réserves, estimant que son retour au sein d’un groupe “qui porte des valeurs féministes” était prématuré. De son côté, la députée LFI Catherine Couturier estime que son retour n’est pas « un renoncement dans la lutte contre les violences faites aux femmes ».
Alors déjà, histoire de cadrer un peu les choses, il est essentiel de comprendre comment fonctionnent les violences conjugales.
D’abord, les auteurs de violences ne portent pas de pancarte avec marqué “homme violent”. La plupart sont même absolument charmants au premier abord, ce qui les rend si difficiles à détecter au moment où la relation débute. Les violences traversent tous les âges et toutes les classes sociales. Il n’y a pas de profil type, et personne n’est vraiment à l’abri.
Ensuite, il est absurde de croire que nous pouvons détecter ces violences en amont. Elles s’installent toujours progressivement, de façon quasi indétectable. Et elles peuvent prendre diverses formes ; ça peut être des violences psychologiques et verbales qui débutent par des petits reproches, de la culpabilisation, pour continuer avec du chantage émotionnel, des crises de jalousie, et vas-y que je fouille tes mails et ton téléphone. Les violences administratives et économiques sont moins connues mais tout aussi difficiles à vivre : c’est par exemple un mari qui prend la main sur toutes les finances et les pièces administratives du couple, qui surveille de près les dépenses de sa femme et cache ses propres revenus. La violence physique intervient en dernière position, et parfois même jamais.
Les violences conjugales ne sont pas de simples conflits comme tous les couples peuvent faire l’expérience. Il y a dans les violences conjugales un déséquilibre profond dans le rapport de force entre les deux partis, où l’un domine et l’autre subit. Et le fait que cette gifle soit arrivée au moment de la séparation n’est absolument pas anodin. Les chiffres montrent que la séparation est un moment charnière dans l’escalade de la violence. Ainsi, la plupart des féminicides ont lieu au moment de la séparation ou juste après.
Les victimes de violences conjugales ont énormément de difficultés à témoigner de ce qu’elles subissent ou même à porter plainte. D’abord parce qu’elles ont honte, sentiment, soigneusement entretenu par leur bourreau, mais aussi, souvent, parce qu’elles n’ont tout simplement pas conscience de la gravité de ce qu’elles subissent. Les violences au sein du couple sont tellement banalisées et minimisées, par l’auteur des violences en premier lieu, par l’entourage et le reste de la société, qu’il devient difficile de savoir ce qui est normal, et ce qui ne l’est pas. Et puis le déni, c’est aussi une manière de se protéger : quand on aime quelqu’un, qu’on l’a choisi et qu’on vit avec, on ne veut pas imaginer que cette personne nous fasse sciemment du mal. Alors on dissocie, on compartimente, on se dit qu’on a mal compris, mal réagi, que c’est un peu de notre faute.
Voilà pourquoi cette “petite” gifle est loin d’être anodine. Ce n’est pas juste un geste malencontreux, isolé, comme quelqu’un qui met un coup de volant pour éviter un animal sur la route, et reprend ensuite son bonhomme de chemin. On connaît les mécanismes de la violence intra-conjugale. Une gifle arrive rarement seule. Et ce que nous pouvons faire, en tant que simple spectateur de ce genre d’affaires, c’est avant tout croire et soutenir les victimes.
Mais qu’est-ce que tout cela a à voir avec la politique ? Adrien Quatennens a purgé sa peine après tout, il devrait avoir le droit de poursuivre le travail pour lequel il a été élu. Dans les faits, effectivement, il a le droit. Mais ce qui nous intéresse ici, c’est le sens moral des choses.
On vit une période pour le moins compliquée, où la défiance envers l’appareil politique et démocratique est au plus haut. Les gens ne vont plus voter, car ils n’ont plus confiance en celleux qui les gouvernent. Et pour cause ! Toutes les semaines, on apprend que tel député n’a pas payé ses impôts, que telle ministre utilise les moyens de l’Etat pour promouvoir son livre, qu’un autre harcèle ses assistants tandis que celui-ci distribue les emplois fictifs comme des petits pains… Celui qui promettait un gouvernement exemplaire a fait tout l’inverse : favoriser des politiques qui accumulent les casseroles comme autant de trophées sur leur étagère.
Dans cette ambiance délétère, l’opposition politique doit se démarquer. Elle doit prendre le contre-pied de ce lent pourrissement, et proposer une autre manière de gouverner. Sommes-nous devenus tellement acclimatés à ce climat de violence et de corruption que nous trouvions normal d’être gouvernés par des politiques qui mentent, abusent, détournent, harcèlent et violentent ?
Si la NUPES souhaite représenter une opposition crédible face au gouvernement en place, elle doit placer la barre plus haut, beaucoup plus haut. Il ne suffit pas de se dire féministe pour l’être. Vos promesses ne valent rien si vous n’êtes pas capables d’incarner réellement le changement. Et chaque fois que vous vous assiérez sur vos soit-disantes valeurs pour protéger l’un des vôtres, vous perdrez des soutiens.
Oui les autres partis politiques ne font pas mieux en matière de féminisme et de prévention des violences de genre. Mais pour citer prosaïquement Bibi la Diva sur Twitter “Super, ton caca a des paillettes, c’est toujours du caca.”
C’était Béatrice, pour “Viens te faire dévalider”. A la semaine prochaine !
Diffusion mercredi 26 avril 2023 – 10h20 / 17h05
B.Pradillon