Foot et masculinité toxique Divergence
Le 15 janvier dernier, lors du match de Ligue 1 entre Montpellier-Hérault et Nantes, des banderoles homophobes ont été déployées par des supporters qui n’ont visiblement pas apprécié la débâcle de leur équipe.
La ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra, a immédiatement réclamé des sanctions. Dans la foulée, des associations LGBT+ ont porté plainte contre X pour injures homophobes. « Ces banderoles témoignent d’une homophobie en roue libre dans les stades de football » dixit les associations, qui déplorent que les sanctions ne soient quasiment jamais prononcées à l’encontre des concernés.
Dans ce cas, une sanction a bien été prononcée puisque la tribune Etang de Thau, où se regroupent les Ultras montpelliérains, a été fermée pour 6 matchs. Il faut dire que d’autres incidents avaient émaillé la soirée, ces sympathiques supporters cagoulés ayant également balancé des fumigènes entraînant l’interruption du match.
Cette histoire, malheureusement banale dans le milieu du foot, m’amène à faire deux constats.
Le premier, c’est que les supporters de foot auraient vraiment besoin de renouveler leur stock d’insultes. Non mais vraiment les gars, faites un effort, y a plein de manières d’insulter sans verser directement dans l’homophobie ou le sexisme crasse. Faites preuve d’un peu d’imagination ! Je sais pas, on voudrait bien voir des banderoles “couillons de la lune” ou “raclure de bidet”, ça nous changerait un peu.
Et puis c’est quoi cette manie d’insulter quand votre équipe perd ? Vous êtes des supporters, vous êtes censés supporter votre équipe, lui apporter votre amour et votre soutien, pas la descendre en flèche quand ça se passe mal. Franchement, le monde du foot ne serait pas plus beau si au lieu de voir des insultes, on voyait des banderoles “Vas-y Jean-Mi on croit en toi !” ? Mais je m’égare peut-être.
Le second constat, c’est que le milieu du sport, et plus particulièrement le foot, sont un terreau fertile pour l’homophobie, car on continue d’y encourager une masculinité toxique.
D’abord, pour que nous soyons sur la même longueur d’ondes, qu’est-ce qu’on appelle “masculinité toxique” ? Parce que la masculinité, c’est à dire les traits et comportements que l’on considère communément comme masculins, ne sont pas négatifs en soit, pas plus que les caractéristiques communément attribuées aux femmes, comme la douceur ou le dévouement à la famille.
Ce qui est toxique, c’est de pousser ces traits à l’extrême, de les imposer comme une norme dont il ne faudrait pas dévier. De considérer l’esprit de compétition, la force physique ou la capacité à dominer l’autre, comme des qualités qui feraient l’essence même de l’homme. Et ils sont nombreux les nouveaux chantres de la masculinité toxique, comme Damien Rieu, cet homme politique d’extrême droite qui fantasme sur le mâle Alpha comme modèle masculin suprême.
La masculinité toxique impacte les femmes, mais aussi les hommes en premier lieu ! Et ça commence dès le plus jeune âge, lorsqu’on incite les petits garçons à ne pas pleurer, à réprimer leurs émotions pour mieux les exprimer avec leurs poings. Comme le chante Eddy De Pretto, “tu seras viril mon kid, je veux voir ton teint pâle se noircir / De bagarres et forger ton mental / Pour qu’aucune de ces dames te dirigent vers de contrées roses / Néfastes pour de glorieux gaillards”.
L’homophobie est l’une des conséquences de cette masculinité toxique. Car si le mâle Alpha autoproclamé encense les attributs considérés comme “virils”, il rejette de fait ses congénères considérés comme “trop féminins”.
Un garçon trop frêle, trop doux, trop peureux, qui traîne avec les filles et ne veut pas se bagarrer sera montré du doigt, moqué et tourmenté. Cette dépréciation des traits et comportements féminins emmène tout droit vers des comportements homophobes. On pense ainsi au jeune Lucas, 13 ans, qui a mis fin à ses jours en janvier dernier après des mois de harcèlement homophobes. N’oublions jamais que l’homophobie tue.
Les sanctions prononcées à l’égard des supporters montpelliérains n’ont pas manqué de soulever l’indignation chez certains. Comme Saïd, qui explique sur Twitter que “C’est de l’homophobie si les personnes concernées sont homosexuels.” Et que le terme injurieux employé sur l’une des banderoles étaient en fait utilisé “pour désigner un faible, un peureux”. Argument imparable ! Si les supporters peuvent deviner l’orientation sexuelle de toutes les personnes qui vont lire leurs banderoles, vraiment, c’est formidable. Car oui, il n’y a pas que les 11 joueurs sur le terrain qui lisent les banderoles. Il y a les enfants dans les gradins par exemple. En associant les homosexuels à des comportements socialement réprouvés, vous pensez qu’ils vont se dire que c’est OK d’être homosexuel ? Remarquez qu’on ne songerait pas à reprocher à une femme d’être faible ou d’avoir peur, car ce sont des caractéristiques socialement acceptées chez les femmes.
Pour conclure, les dérives sexistes, homophobes ou racistes dans le sport doivent être lourdement sanctionnées, c’est normal. Car ces comportements nuisent aux athlètes comme aux supporters, en créant un climat délétère qui légitime et alimente les comportements violents. Le monde sportif regorge de tellement d’exemples que je n’aurais pas assez de ma journée pour tous les lister.
La masculinité toxique, composante du patriarcat, fait donc du tort à l’ensemble de la société, hommes comme femmes. Elle nous impose des carcans stupides dont nous devrions nous défaire pour être réellement libres.
C’était Béatrice, pour “Viens te faire dévalider”. A la semaine prochaine !
Diffusion mercredi 15 février 2023 – 10h20 / 17h05
B.Pradillon