Nocny Patrol (Maanam, 1983)

Nous sommes en 1983. A Cracovie, les températures sont froides en cette nuit de février. Dehors, pas un chat. Seule la lumière des réverbères éclaire, à intervalles réguliers, les trottoirs couverts d’une fine couche de neige. Une légère brume donne à ce paysage urbain un aspect fantomatique. Soudain, une patrouille de nuit, gyrophare allumé, arrose de bleue et de rouge les murs de la ville. Les gardes de nuit surveillent. Aucun signe de vie n’est autorisé. La peur est palpable. Même les ombres des réverbères, craintives, se recroquevillent. Au fond d’une chambre quelconque, cachée, une adolescente écoute en secret, la chanson Nocny Patrol du groupe de rock polonais Maanam.n

Que se passe-t-il en Pologne en ce début des années 80 ? Pour les générations nées après la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS, il est bien difficile de se l’imaginer tant tout cela ressemble à un autre monde. Après le Seconde Guerre mondiale, le territoire polonais devient un État satellite de l’Union Soviétique. Ainsi, en 1952 est-elle nommée République populaire de Pologne. Elle n’a de république que le nom car elle est en réalité une dictature à parti unique sous le joug de l’URSS. Malgré cette chape de plomb, la population manifeste son mécontentement. Ainsi, dès les années 70, des révoltes éclatent un peu partout dans le pays. Dans le contexte de la Guerre Froide, l’élection du pape Jean-Paul II en 1978 est vue par les autorités communistes comme une tentative d’affaiblir le régime. En 1980, c’est la création du syndicat indépendant Solidarnosc dirigé par Lech Walesa.n

L’existence du syndicat, qui regroupe des millions d’ouvriers, soutenus par les intellectuels, est une menace pour le pouvoir en place. Face à l’opposition croissante et à l’instabilité politique et sociale le chef du gouvernement, le général Jaruzelski, déclare la loi martiale le 13 décembre 1981. En conséquence, les grèves sont violemment réprimées. L’armée occupe les rues et les médias. La censure est instaurée. Les syndicats libres sont interdits. Solidarnosc passe ainsi dans la clandestinité alors que Lech Walesa est arrêté et détenu. Leurs membres ainsi que ceux des autres structures d’opposition sont massivement poursuivis et envoyés dans des camps d’internement. Le contrôle se renforce autour du milieu culturel. Un couvre-feu est instauré…n

C’est justement ce couvre-feu et ce climat d’oppression que dénonce Maanam dans son morceau Nocny Patrol. Le groupe naît dans les années 70 mais c’est dans les années 80 qu’il connaît un succès fulgurant. Evoluant dans un contexte rock-punk qui n’est pas sans évoquer Nina Hagen et Siouxsie and the Banshie, le groupe et son emblématique chanteuse Kora se veulent résolument engagés. Le gouvernement, concentré sur leur lutte contre Solidarnosc, peine à contrôler ces groupes de musique contestataires polonais de cette décennie. Critiques face à la dictature communiste, ils contribuent à maintenir, voire à développer une envie de changement et de liberté à toute une génération.n

Qu’en est-il aujourd’hui ? Un an avant sa mort survenue le 28 juillet 2018, Kora déclarait : « Le gouvernement détruit mon pays. Le parti s’approprie l’État. C’est la destruction de mon bonheur à la fin de ma vie, de tout ce en quoi je croyais et à quoi j’ai travaillé. ». C’est n’est pas, à proprement parler, un message d’espoir…nnnnDiffusion mardi 23 octobre 2018 – 10h40 / 17h40nnnC.Pereiran »

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