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Sous les chansons l'histoire

The Block (Akua Naru, 2011)

today02/10/2018 6

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    The Block (Akua Naru, 2011) Divergence


Le combat pour la cause noir-américaine est loin d’être fini. Peut-être n’a-t-il que commencé. Certes, on peut désormais s’asseoir n’importe où dans les transports en commun. Certes, une personne noire et une personne blanche peuvent se marier. Ce fut le combat de Rosa Parks, celui de Martin Luther King, et l’abrogation, en 1964, des lois Jim Crow par le Civil Right Act qui interdit toute forme de ségrégation dans les lieux publics. Et pourtant, le bilan de ces combats reste bien mitigé. Auparavant, la ségrégation était visible. Elle se cache désormais à l’ombre des immeubles de quartiers, ces blocks évoqués par Akua Naru en 2011.n

Dans le morceau intitulé The Block, paru sur l’album The Journey Aflame, la chanteuse noire qui évolue dans un style jazz – hip-hop redoutable dépeint, en quelque sorte, le quotidien de ces quartiers où la population afro-américaine constitue l’immense majorité des habitants. Née en 1978 dans le Connecticut, Akua Naru vit désormais à Cologne. Son œuvre s’inscrit résolument dans ses racines africaines, tant par la musique que par les paroles. Elle a collaboré avec Mulatu Astatké, Tony Allen, Cody Chessnutt, Quest Love, Wax Taylor… Son hip-hop est bien plus qu’un rap conscient. C’est un rap ouvertement engagé, activiste. Adolescente, la chanteuse se passionne pour les leaders du combat pour les Noirs, tels que Frantz Fanon, Angela Davis, Malcom X… Et cet activisme, même au XXIe siècle, est une nécessité tant les inégalités demeurent ancrées dans la société américaine.n

Dans The Block, Akua Naru évoque les coups de feu et les cadavres abandonnés. « Nous sommes ceux qui n’ont rien ». « Les pères sont des hologrammes. Leurs fils attendent le jour où ils pourront fumer l’Oncle Sam ». « Aucune sympathie pour cet homme, il recevra ce qu’il mérite ». « Une autre femme violée, son corps retrouvé au fond de l’allée ». « Aucun journal télé sur le sujet ». « On survit dans les rues, on n’y vit jamais, puis on meurt ». Elle évoque encore ces flics qui dérapent, qui assassinent et qui ne seront jamais jugés par la justice. « Encore un corps abandonné ce matin dans le block. Quelqu’un s’est encore fait tiré dessus aujourd’hui dans le block ». n

Quand la chanteuse publie cette chanson, en 2011 donc, Barack Obama est président des États-Unis. Aucun Africain-Américain n’aurait un jour espéré voir un président noir à la Maison Blanche. Mais les chiffres sont éloquents, cruels. Les Noirs sont deux fois plus touchés par le chômage que les Blancs. Le salaire médian d’un Blanc est de 61 394 dollars par an alors que celui d’un Noir est de 36 544 dollars. Pour 100 000 personnes aux États-Unis, il y a 275 Blancs en prison contre 1408 Noirs. Plus sombre encore, plus insoutenable, le taux de mortalité infantile dans la communauté noire est de 10,9 pour mille contre 4,9 pour mille dans la communauté blanche. n

Quel est le bilan de Barack Obama dans ce contexte ? Très mitigé, selon Aldon Morris, professeur de sociologie à Chicago. Dans un entretien au magazine l’Histoire, il déclarait ainsi : « Contrairement à ce qu’espéraient les électeurs noirs, il a peu affronté la question raciale ». De fait, les inégalités de richesses ne diminuent pas, tout comme les brutalités policières. La naissance du mouvement Black Lives Matter en 2013 est en tout point révélatrice. Dans ce contexte, le morceau d’Akua Naru entend réveiller les consciences, mêlant rage, désespoir et besoin criant de justice. nnnnDiffusion mardi 2 octobre 2018 – 10h40 / 17h40nnC.Pereiran »


Sous les chansons l'histoire

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