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Société

Validisme à tous les étages

today16/03/2022 16

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    Validisme à tous les étages Divergence


Bonjour et bienvenue dans « Viens te faire dévalider ». Je suis Béatrice, de l’association Les Dévalideuses, et cette semaine nous allons nous pencher sur la notion de “validisme”, un terme assez méconnu en France. nPour résumer, le validisme c’est considérer les personnes handicapées comme des êtres humains de seconde zone. Parce qu’ils ne correspondent pas à la norme, les corps jugés handicapés sont considérés comme inférieurs. nDit comme ça, ça a l’air super violent mais vous allez voir, c’est un mode de pensée largement partagé ! On a tous et toutes déjà entendu quelqu’un s’exclamer : “Si j’ai un accident, je préfère mourir sur le coup que finir dans un fauteuil roulant !” comme si la vie des personnes en fauteuil n’avait absolument aucun intérêt. nPas plus tard qu’hier, une amie qui défendait le port du masque s’est vu répondre : « Les fragiles doivent mourir, ça fera de la place ». Et bien voilà, c’est ça le validisme. nAlors on va se plonger dans la théorie rapidement si vous le voulez bien. Il existe deux façons de considérer le handicap : il y a d’un côté le modèle médical, qui envisage le handicap comme un corps individuel défaillant. Un corps qu’il faut soigner, et si possible guérir. Et si on ne peut ni le soigner ni le guérir, on peut le maintenir en institution par exemple. (Cachez ce corps que je ne saurai voir).nEt il y a le modèle social. Le handicap ne serait que l’expérience collective d’un environnement inadapté. Ce modèle permet d’analyser les phénomènes de domination produits par une société pensée par et pour les personnes valides. nImaginez juste un instant une société réellement inclusive. Avec des rampes et des ascenseurs partout. Des logements PMR en veux-tu en voilà. Des sites internet et logiciels 100 % accessibles. Des livres en braille dans les bibliothèques publiques. Des aides matérielles, humaines et financières accordées à toutes les personnes qui en ont besoin, pour garantir l’égalité des droits.nEst-ce que cela résoudrait tous les problèmes ? Non, car il y a presque autant de handicaps que de personnes. Pour les personnes atteintes de maladies chroniques par exemple, l’accessibilité seule ne peut compenser le handicap, ou effacer la douleur.nPour revenir au validisme, il faut comprendre que c’est d’abord une méconnaissance profonde de la réalité du handicap, qui entraîne des situations injustes et dangereuses pour les personnes handicapées.nÇa peut être des choses en apparence bénignes comme par exemple pousser le fauteuil d’une personne sans son consentement, ou se garer sur une place de parking handicapé en se disant qu’on en a juste pour 2 min. nMais comme toutes les formes de discrimination, quand on laisse faire les choses en apparence bénignes, on tolère d’autant mieux les violences plus graves, comme par exemple la stérilisation forcée des personnes handicapées dans certaines institutions. nSur Twitter, celle qui se prénomme MelanieDeaf, professeure de LSF, se confie sur son quotidien de personne sourde. Récemment, elle a partagé une mésaventure. Après avoir contacté une personne dont elle n’avait pas compris une publication vidéo sans sous-titre, cette personne lui a répondu que son histoire était de toute façon “trop longue” et “pas très intéressante” mais qu’il était “désolé” pour son handicap. Une façon de l’envoyer gentiment sur les roses. Une internaute est intervenue “Mais tu t’attends à ce que les 99% de français non sourds passent des heures à sous-titrer chacun de leur contenu pour le 1% de sourd ?” Et bien oui, c’est exactement ça l’accessibilité !nEt j’en profite pour préciser : non, nous ne sommes pas 1%. Les personnes sourdes et malentendantes représentent 7 à 10 millions de personnes en France, excusez-nous du peu ! nIl existe des formes particulières de validisme : l’âgisme, qui est l’infantilisation et la déshumanisation des personnes âgées, la psychophobie ou encore la grossophobie, qui consiste à juger et discriminer les corps gros.nEt puis, pour finir, il y a le plus insidieux : le validisme intériorisé. La façon que nous avons de nous maltraiter nous-mêmes à force d’avoir été gavés de stéréotypes validistes. nPour ma part, je suis atteinte depuis l’enfance d’une surdité qui me prive d’environ 50% de mon audition. Durant toutes ces années, je suis passée maître dans l’art de masquer mon handicap à mon entourage, car il était hors de question de porter des appareils auditifs. J’étais persuadée que les appareils allaient rendre mon handicap voyant, attirer les regards et la pitié, que ça allait me stigmatiser, que ce soit dans ma vie professionnelle ou amoureuse. nIl m’a fallu énormément de temps pour réaliser que je refusais une aide technique essentielle sur la base de simples préjugés. Une fois cette prise de conscience faite, j’ai accepté de porter des appareils et ça a réellement changé ma vie. Et en réalité, non seulement personne ne les voit, mais en plus je m’en fous complètement ! nMerci à vous, et à la semaine prochaine !nnnnnnnDiffusion mercredi 16 mars 2022 – 10h20 / 17h15nnnnB.Pradillonn »


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