Transphobie ordinaire Divergence
Depuis plusieurs semaines, le planning familial est au cœur de la tourmente après avoir publié sur les réseaux une image représentant un homme enceint, accompagné du message “au planning, on sait que des hommes aussi peuvent être enceints”. Il n’en fallait pas plus pour s’attirer les foudres de la droite réactionnaire et de l’extrême droite, qui ont appelé en cœur à “recadrer le planning familial”, l’accusant de diffuser la théorie du genre”, ou de dérouler le tapis rouge au prétendu “transactivisme”.nnnDans la foulée, Dora Moutot et Marguerite Stern, des militantes connues pour leur position anti-trans, ont décidé de s’autoproclamer “femellistes”, crachant ainsi allègrement sur plus de 50 ans de luttes féministes. Des femmes se sont battues pour ne plus être considérées comme des incubateurs sur pattes, pour que nos organes reproducteurs ne nous définissent plus, et voilà que nous sommes carrément réduites au rang de “femelle adulte”. Franchement, ça pourrait être risible si elles n’avaient pas été reçues dans tous les médias et à l’Assemblée nationale pour reprendre les mêmes arguments. Et pour couronner le tout, des personnalités politiques ont carrément appelé à couper les subventions du planning.nnnJe peux comprendre qu’un homme enceint, ça interroge. D’autant qu’on en entendait peu parler avant, et comme tout ce qui semble nouveau, cela attise autant la curiosité que les préjugés. Mais savez-vous pourquoi on ne voyait pas d’hommes enceints en France il y a 10 ou 20 ans ? Et bien figurez-vous que jusqu’en 2016, une personne souhaitant changer d’état civil devait obligatoirement prouver le caractère irréversible de sa transition, et pour cela subir une stérilisation. Oui, vous avez bien entendu. Et encore, la loi a changé parce que la Cour Européenne des Droits de l’Homme est intervenue. Une vraie « violence d’Etat » dénoncée par le collectif ExisTrans Inter, qui réclame la reconnaissance des torts faits aux personnes trans.nnnCette polémique autour d’une simple image a ouvert une brèche dans laquelle les réactionnaires, toutes étiquettes confondues, se sont engouffrés pour tirer à la fois sur les personnes trans et le planning familial. Le planning, qui, rappelons-le, se bat depuis les années 50 pour l’accès à l’éducation sexuelle, à la contraception et à l’avortement, tout en luttant contre toutes les formes de discriminations.nnnSuite aux premières attaques, le planning familial a réagi avec une tribune publiée dans Libération. Je cite : Dans la loi française, depuis 2016, on n’a pas le droit d’exiger telle ou telle procédure médicale pour reconnaître une identité «homme» ou «femme». Il est donc possible de garder son utérus de naissance, et de quand même se faire reconnaître «homme» à l’état civil. Ça peut plaire ou non, pour nous, ce n’est pas le sujet. Notre féminisme, c’est «mon corps, mon choix». Et c’est la loi. Alors non, nous n’allons pas obliger les gens à se faire retirer un organe pour bien vouloir leur donner du Monsieur ou du Madame. Oui, nous disons «hommes» pour les hommes trans. Et non, nous ne bannissons pas le mot «femme» de notre vocabulaire. Nous continuons de dire «femmes» pour les femmes. Pas de souci. Dans les faits, aujourd’hui, des hommes trans peuvent vivre une grossesse, qu’ils pourront vouloir poursuivre ou interrompre. Et où peuvent-ils aller pour avoir accès aux soins, sans qu’on vienne débattre de leur identité ?nnnBien sûr, si on écoute les détracteurs, ces attaques envers le planning familial viseraient le “transactivisme” et non les personnes trans. Moi ça me fait penser aux gens qui défilaient à l’époque de la Manif Pour Tous, qui scandaient “un papa, une maman”, et qui venaient ensuite dire à qui voulaient l’entendre qu’ils n’étaient pas du tout homophobes. Non mais à un moment il faut assumer un peu sa position. D’autant que le transactivisme est un terme inventé de toute pièce par les personnalités et médias d’extrême-droite pour désigner un genre de “lobby trans” qui pervertirait nos enfants. Étonnamment, ce sont les mêmes arguments utilisés auparavant pour combattre les droits des personnes gays et lesbiennes. nnnNe soyons pas dupes. Chaque fois que l’actualité fait ressurgir un débat concernant une minorité, que ce soit le droit au mariage des personnes de même sexe, le droit de porter le voile dans l’espace public, ou le droit des hommes enceints à être représentés, il s’agit avant tout de s’attaquer aux droits des communautés concernées.nnnPire, ces périodes correspondent toujours à une hausse des violences verbales, harcèlements et agressions vis à vis des personnes concernées. Le débat public s’invite dans la rue, au bureau ou dans la famille. La parole se libère, donnant lieu à toujours plus de violence, avec des répercussions psychologiques très lourdes pour ces personnes et leur entourage. Car au-delà des parents trans, ce sont les enfants élevés dans ces familles qui subissent de plein fouet cette vague de transphobie, jusque dans les cours d’école.nnnLe transactivisme, comme la théorie du genre, sont des fantasmes d’extrême droite régulièrement agités en épouvantail. La transphobie, elle, est bien réelle, elle met chaque jour en danger les personnes trans.nnnIl est normal que nous nous sentions bousculés par le concept de transidentité, qui vient percuter de plein fouet nos conceptions traditionnelles et normées du genre, de la sexualité et de la famille. Mais ne laissons pas les vendeurs de peur faire des personnes trans les nouveaux boucs émissaires de leur croisade réactionnaire. Nos familles atypiques, queer, handis, mixtes, ont le droit d’exister aux côtés des familles “traditionnelles”. Reconnaître la parentalité trans, c’est permettre à ces familles de vivre dignement, et surtout en sécurité, dans le respect de leurs droits. nnUne fois n’est pas coutume, je vais terminer cette chronique avec une petite annonce. L’association féministe et queer “L’ultraviolette” cherche activement un nouveau local en centre ville pour installer son bar associatif ! L’équipe organise régulièrement des événements : conférences, ateliers, soirées drag queen, karaokés… N’hésitez pas à les contacter si vous pouvez les aider, elles sont présentes sur Facebook et Instagram. Merci. nnnnnnC’était Béatrice, pour “Viens te faire dévalider”. A la semaine prochaine !nnnnnnDiffusion mercredi 21 septembre 2022 – 10h20 / 17h05nnnB.Pradillon«