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Sous les chansons l'histoire

Mon Mandat (Tiers Monde, 2012)

today30/10/2018 2

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    Mon Mandat (Tiers Monde, 2012) Divergence


Le mardi 7 juillet 2018, un détenu de 48 ans s’est suicidé dans la prison de Fleury-Mérogis. L’homme, qui purgeait une peine de deux mois, s’est pendu avec ses draps. C’est le onzième depuis le début de l’année, le 64e sur l’ensemble du territoire. Cette vague de suicide doit nous alerter sur le fonctionnement de la justice en France ainsi que sur les conditions de vie des prisonniers. La plupart des prisons connaît une forte surpopulation. Fleury-Mérogis, pour une capacité de 2956 places accueille en réalité 4238 détenus. Cette situation induit forcément de la promiscuité, des conditions d’hygiène détériorées et des tensions. Le monde du rap évoque régulièrement le sujet. Parmi les nombreux morceaux, certains se distinguent. C’est le cas avec le rappeur Tiers Monde.n

Tiers Monde, qui approche de la quarantaine, a grandi dans le quartier Mont Gaillard au Havre. Dès 1996, sous le pseudonyme « Pad », il fait parti des groupes La Boussole et Bouchées Doubles, marquant avec ce dernier la scène rap en sortant l’album-phare Apartheid. En 2003, il effectue un voyage dans son pays d’origine, le Sénégal. Marqué par ce séjour, il change de pseudonyme et devient « Tiers Monde ». Il s’ancre alors résolument dans un rap éclairé et engagé, explorant notamment la thématique de l’esclavage à l’ère d’une société de consommation où les modes d’asservissement sont diversifiés. Lorsqu’un de ses proches se retrouve emprisonné, le rappeur découvre avec effroi les conditions de vie dans les pénitenciers. En découle le morceau Mon Mandat où le rappeur nous dresse un tableau de la situation carcérale française d’une rare acuité.n

En effet, Tiers Monde a le talent d’aborder l’ensemble des aspects du monde carcéral. Il évoque ainsi les structures même de la société qui fait qu’un groupe de sa population est plus touché par la prison que d’autres : « Une vie dans un pays qui isole les ghettos, qui construit des taules quand il faut des hôpitaux […] Faut arrêter d’accuser les mères de merdeux, On est élevé par l’école jusqu’à Bac -2 ! ». Il aborde la solitude, la promiscuité : « Ca sert à qu’dalle que tu comptes sur tes potes, deux-trois mandats de ces fiottes puis dans leurs coeurs tu décotes. […] Bouclé, cohabité avec un inconnu, ignores-tu c’que ça fait de chier devant son co-détenu ? ». Avec émotion, le rappeur n’oublie pas les femmes en prison : « Hommage à ces femmes souvent contrecarrées, enceintes, comment tenir dans 9m2 ? En chien dès l’avenir, un enfant est né à Fresnes. Enfermé, n’a enfreint aucune règle ». Il interroge et critique, avec pertinence, le maintient de sa communauté dans l’asservissement : « Exterminèrent les Blacks Panthers avec l’héro’ et le crack, ils nous auront avec du shit et des plaques ».n

Surtout, ce qui ressort de son texte, c’est cette sensation d’injustice, tant dans la vie que devant la loi : « Quel magistrat ne mêle pas couleur et coupable ? Il n’y a pas de vrai procès équitable![…] Les vendeurs de bédo prennent plus que les prêtres pédo’, […] qu’n’importe quel homme d’affaire détournent de millions d’euros ». Or, ce sentiment d’injustice est justement ce qui attise les violences contre la société. De plus, la prison peut toucher n’importe qui, la preuve, le premier motif d’incarcération en France est le délit routier… Or, qu’est-ce qu’on fait après, quand on sort ? Parce que, comme le dit Tiers Monde : « Un innocent en prison devient un criminel, c’est clair, un criminel en prison reste un criminel, c’est clair ».nnnDiffusion mardi 30 octobre 2018 – 10h40 / 17h40nnnC.Pereiran »


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