L’école exclusive Divergence
Bonjour à tous et à toutes, je suis Béatrice, de l’association handi-féministe Les Dévalideuses, et j’ai le plaisir de vous retrouver pour une toute nouvelle saison de ma chronique “Viens te faire dévalider” ! Comme l’année dernière, on abordera des thématiques autour du handicap, du validisme, mais aussi des discriminations liées au corps et au genre.nnEt pour commencer on va parler de la rentrée scolaire. Et oui, il y a deux semaines les enfants sont entrés à l’école. Tous ? Ben non, pas vraiment. Comme chaque année, on estime qu’environ 10 000 enfants handicapés n’ont pas pu faire leur rentrée, faute de solution adaptée.nnSur Twitter, Caroline Boudet, maman d’une petite fille atteinte de trisomie 21, raconte ses déboires. Le 1er septembre, jour de la rentrée, sa fille n’avait toujours pas d’AESH (c’est à dire d’accompagnant d’élève en situation de handicap).nn“Qu’à cela ne tienne, en France, à chaque problème une solution par numéro vert. J’appelle donc le numéro vert handicap ». On me demande de taper le numéro de mon département pour des questions locales. Je tape. Ça sonne, ça sonne. On finit par prendre mon appel. « Bonjour madame, aucune AESH n’était présente ce matin pour ma fille, je cherche des informations ». – Alors, pour les AESH, ce sont les PIAL (pôles inclusifs d’accompagnement localisés) qui font la répartition et gèrent les effectifs. Il vous faut donc appeler le numéro vert et composer le numéro de votre département ». Moi : « euh c’est exactement ce que je viens de faire pour tomber sur vous ». – « Ah mais ici c’est le ministère, nous on n’a pas d’info sur les recrutements d’AESH. Rapprochez-vous de l’enseignant référent handicap de votre secteur, il a dû faire sa rentrée ». Ainsi se termine le premier appel au magnifique numéro vert qui, je cite, « s’engage à donner des réponses aux parents dans les 24h ».nnA l’heure actuelle, toujours pas de nouvelles de l’arrivée de l’AESH pour sa fille Louise. Une situation partagée par des milliers d’autres familles. nnMalheureusement, le recrutement de nouveaux accompagnants reste très difficile. Et pour cause ! Le salaire, absolument pas attractif. La formation, quasi inexistante. Le statut, carrément précaire. Et le traitement administratif, résolument inhumain.nnAinsi, d’une année sur l’autre, les AESH ne sont jamais assignés au même enfant, de peur qu’ils s’attachent un peu trop. Ce qui veut dire qu’à chaque rentrée, accompagnants comme enfants doivent réapprendre comment fonctionner ensemble, avec tout le stress que cela implique. Vous imaginez si on faisait pareil avec les auxiliaires de vie ?nnTu passes 1 an à connaître la personne, son dossier médical, son environnement, ses besoins particuliers et ses habitudes sur le bout des doigts, et hop, on t’envoie travailler avec quelqu’un d’autre. C’est complètement absurde. Il est évident que les AESH créent des liens avec les enfants handicapés dont ils s’occupent. Et ça ne fait pas d’eux de mauvais accompagnants. Au contraire !nnEt puis parfois, c’est du côté des enseignants et des familles que ça bloque. La peur et les préjugés sont encore très forts. Pour bien faire, il faudrait sensibiliser au validisme tous les professionnels qui côtoient des personnes handicapées. C’est pas gagné comme on dit…nnÇa tombe à pic, la Défenseure des droits vient de publier un rapport sur l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap. On apprend ainsi que les difficultés d’accès à l’éducation représentent près de 20 % des saisines adressées à la Défenseure des droits dans le domaine des droits de l’enfant.nnEn substance, ce rapport indique que “les besoins de nombreux enfants sont ignorés, notamment sur les temps du périscolaire, dont la cantine.” Par ailleurs, la “rigidité des programmes et objectifs scolaires, qui réduit la réussite aux performances scolaires, laisse peu de place à la singularité de chacun.” La Défenseure des droits est formelle : c’est à l’école de s’adapter aux enfants handicapés, et non l’inverse. Elle rappelle que les AESH ne doivent pas être la seule condition à la scolarisation des enfants handicapés. “L’inclusion scolaire suppose l’adaptation de l’environnement scolaire, dans une vision universaliste.” Il s’agit de rendre l’école réellement accessible, en emménageant aussi bien l’environnement que les supports éducatifs.nnL’école publique n’a jamais été pensée pour les enfants handicapés, et ce n’est pas en collant des pansements par ci par là qu’elle deviendra par magie inclusive. Certains diront que le handicap n’a pas sa place à l’école, qu’il existe des institutions ou classes spécialisées. En France, quelque 67.000 élèves sont scolarisés dans des établissements hospitaliers ou des structures spécialisées. Je rappelle donc que le dernier rapport du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU condamne fermement la ségrégation des élèves handicapés, et milite justement pour une scolarisation en milieu ordinaire.nnEt oui, on nous bassine avec la culture de la différence, mais nous ce qu’on voudrait c’est éduquer à l’indifférence ! Que tous les enfants puissent grandir et apprendre ensemble, quelles que soit leur état de santé, leur genre, leur classe sociale ou leur origine, sans que cela soit considéré comme exceptionnel. Car les enfants handicapés ne sont pas les seuls oubliés. Chaque année environ 100 000 enfants, roms, gens du voyage, mineurs non accompagnés, sont exclus du système scolaire, comme nous l’explique un article publié le 31 août dans Libération.nnPour finir, ça fait plaisir de voir la Défenseure des droits s’emparer du sujet, mais les recommandations émises sont encore un peu douces à mon sens. Quand va-t-on réellement respecter le droit de tous les enfants à aller à l’école ? Une incitation sans obligation, on le sait bien en accessibilité, ça ne fonctionne malheureusement jamais.nnSur ce, je vous dis à la semaine prochaine pour une nouvelle chronique !nnnnnnDiffusion mercredi 14 septembre 2022 – 10h20 / 17h15nnnnB.Pradillon«